φ des math.

1) Monde des mathématiques.

1-1) Etres mathématiques et les sciences.

Parmi les objets de la connaissance, certains sont d'ordre sensible (une pierre une fleur, une étoile), d'autres sont d'ordre intelligible (une idée, un concept, une notion), d'autres encore, tout en paraissant devoir quelque chose au sensible, possèdent des caractères essentiellement intelligibles, relevant en ce sens de la pure raison : ce sont les objets mathématiques qu'on appelle aussi les êtres mathématiques : le point, la droite, le plan, les figures, les nombres, les fonctions. Qu'ils dérivent par abstraction des données de la perception, qu'ils soient tirés par un acte créateur du fond même de l'esprit ou qu'ils s'imposent à nous comme des choses existant en soi, les êtres mathématiques constituent à l'état pur un univers autonome et original qui se suffit à lui-même sans référence obligée à la réalité extérieure et que l'esprit peut contempler dans son propre horizon.

Nous aurons à étudier plus loin l'origine des notions mathématiques et nous inclinerons à croire qu'elles ne procèdent pas de l'expérience extérieure ou en tout cas qu'elles en sont affranchies. Mais qu'il en fût autrement, cela ne changerait rien à leur essence, comme en témoigne ce mot de GOBLOT : « Les Mathématiques sont nées avec l'expérience mais elles n'en sont pas moins indépendantes des faits et n'ont pas besoin pour être vraies que leurs objets soient réels ». Réserve faite pour le terme réel, qui est loin d'être univoque, le texte nous invite, malgré son inspiration empiriste, à faire abstraction du sensible pour apercevoir dans la seule lumière de l'intuition rationnelle l'ensemble des objets qui forment le monde mathématique.

Cet univers, toutefois, il ne suffit pas de le contempler comme quelque chose de tout fait, il ne prend d'existence véritable que par l'activité de la pensée qui l'anime, l'organise, forge des définitions, énonce des axiomes, décrète des opérations, invente et découvre mille rapports entre les objets qui le composent. Les êtres mathématiques ne prennent tout leur sens que par les opérations qu'on effectue sur eux et qui consistent à les ordonner, les combiner, les substituer, les mesurer, les calculer. C'est pourquoi la Mathématique n'est pas seulement la science des objets intelligibles en question mais bien davantage la science de l'ordre, de la mesure et des propriétés de ces objets, l'étude des relations abstraites que l'esprit peut établir entre eux selon certaines règles.
Si divers sont les êtres mathématiques, si diverses également les relations établies entre eux, qu'il est malaisé de donner une définition simple de la Mathématique en général et de son objet fondamental. Disons que c'est la quantité, en précisant qu'il s'agit non pas de la quantité dite concrète, d'ordre sensible ou physique, mais de la quantité abstraite affranchie de la réalité extérieure.

Or la quantité ayant plusieurs aspects, il en résulte une pluralité de sciences que l'on groupe sous le nom générique de Mathématiques. Il y a les sciences du nombre telles que l'Arithmétique et l’Algèbre ; les sciences de l'espace abstrait dont les diverses géométries forment l’essentiel ; les sciences de la synthèse du nombre et de l'espace comme la géométrie analytique ; enfin l'ensemble des mathématiques appliquées telles que le calcul des probabilités et la statistique.
Cette nomenclature ne donne qu'une faible idée de la richesse du monde mathématique mais nous devons nous en contenter ici.
Ce monde est-il finalement homogène ? Les mathématiques modernes n'ont plus l'unité de la construction antique de type euclidien et leur différenciation va si loin que seuls peuvent se comprendre parfaitement les spécialistes s'adonnant aux mêmes recherches sur le même rameau du grand arbre foisonnant. Il semble toutefois qu'on puisse rester fidèle à l'idéal cartésien d'une étude de l'ordre de la mesure et des proportions en général englobant les mathématiques particulières dans la Matheris universalis, la Mathématique universelle.

1-2) Le nombre et ses mystères.

La notion de nombre parait d'abord d'une rigoureuse simplicité.
En fait il existe plusieurs catégories de nombres dont les moins curieux ne sont pas les nombres irrationnels, imaginaires, transcendants et trans finis. Nous négligerons ces difficultés pour en rester aux considérations, plutôt aux questions suivantes :
L'empire du nombre : son étendue. RENOUVIER posait en principe que tout a un nombre, que la catégorie de nombre s'applique à tous les phénomènes donnés ou susceptibles de l'être.
Certes, l'empire du nombre est immense, on le voit dans la Physique mathématique et la mathématisation des sciences en général qui va grandissant, mais il faut faire la plus expresse réserve en ce qui concerne les sciences humaines et surtout l'esprit lui-même qui ne se laisse pas nombrer.
En stricte logique on peut objecter à RENOUVIER qu'il faudrait d'abord prouver qu'il est contradictoire que A n'ait pas de nombre.
Ontologie du nombre. PYTHAGORE professait que les choses sont des nombres et que les nombres sont des dieux. La première partie de sa pensée peut servir de formule à la Physique mathématique, à la mathématisation du réel et à l'idée d'une structure intelligible de l'univers sensible ; la mathématique se prolonge alors en métaphysique : elle intéresse la définition de l'être.
Quant à la seconde partie de la pensée elle introduit à une correspondance du mathématique et du théologique dont bien des modernes ont perdu le secret, comme en témoignent les rapports entre science et religion.
Mystique du nombre. Reprenant une tradition venue du fabuleux Orient, les pythagoriciens attribuaient à certains nombres des vertus magiques, fatidiques et même morales. Arithmosophie curieuse mais qui devient inquiétante quand elle verse dans la banale et populaire superstition.

L'infini mathématique.

Notion complexe dont voici quelques aspects :

L'infini mathématique n'est pas l'infini ontologique ni a fortiori l'infini au sens de Dieu. Il peut être soit l'un des royaumes, soit l'une des projections de l'infini de l'être, soit tout simplement une idée abstraite formée par l'esprit humain.

1-3) L’espace mathématique.

L’espace des mathématiciens n’est en rien comparable à l’étendue concrète de la perception. En géométrie on le conçoit comme un ensemble dans lequel on peut définir des éléments ou des points reliés par certaines relations. La géomé­trie en général est l'étude des propriétés des figures de cet espace, propriétés dont les unes sont métriques, les autres graphiques ou non-métriques. En effet dans la Topologie, par exemple, on se donne un espace où la mesure n'intervient pas et où une figure cesse d'être un système de proportions pour devenir un ordre dans la succession des points qui la composent.

La nouvelle conception de l'espace se rapproche, non pas des vues kantiennes, mais de l'idée cartésienne du système de coordonnées et de la conception leibnizienne qui définissait l'espace comme l'ordre des éléments coexistants.
Toutefois l'intuition et l'imagination peuvent aider à se représenter l'espace abstrait.

De plus si la considération des longueurs a pu donner naissance à la notion de nombre, le nombre s'est détaché de cette origine pour se définir abstraitement et devenir en retour un instrument dont on se sert pour l'étude des grandeurs.
Toutes ces raisons nous inclinent à dire : quantité plutôt que grandeur tant pour l'espace que pour le nombre.

La synthèse du nombre et l'espace.

Le nombre et l'espace, loin d'être des formes de la quantité, radicalement hétérogènes, se trouvent constamment unis dans la pensée mathématique.
L'effort de synthèse le plus hardi est dû à DESCARTES qui créa au XVIIe siècle la Géométrie analytique : il s'agit de l'application de l'Algèbre à la Géométrie ou plutôt du principe de l'équivalence entre l'expression géométrique et l'expres­sion analytique d'une même quantité. La voie était ouverte pour l'algébrisation de la Géométrie bien que certains mathématiciens soient hostiles à la substitution des relations analytiques aux relations spatiales.

bdp
21-Avr-2024
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