Conscience

Parler de la conscience c'est apparemment tourner en rond. Tout discours sur la conscience présuppose la conscience qui prononce et entend ce discours où il est question d'elle-même. De fait, toute négation de la conscience, si elle était tentée, présupposerait la conscience qui prononcerait sa propre négation.

1.) La conscience et le cogito.

Mais ce n'est pas là un cercle vicieux; cela manifeste au contraire qu'il est impossible de sortir de la conscience, qu'elle est au centre de l'homme et, conséquemment, au centre de la philosophie.

Descartes l'a bien vu : je doute mais tandis que je doute, je ne puis douter que je pense et si je pense je suis au moins en tant que je pense. « Cogito, ergo sum. » Je pense donc je suis ou j'existe.
Le Cogito est la formule privilégiée de la conscience mais Descartes a vu également qu'il fallait encore se poser la question : qu'est-ce donc que je suis ?
Et il y répond ainsi : Une chose qui pense; qu'est-ce qu'une chose qui pense? C'est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent.

La réponse est donnée mais le problème n'est pas résolu définitivement et il nous faut en aborder les difficultés.

1-1) La dualité de la conscience.

La conscience est manifestement double. Elle est à la fois connaissance et existence.
La conscience est connaissance et condition de toute connaissance. Il peut y avoir conscience de soi, des autres, du monde, des valeurs, de Dieu.

La conscience est existence : une existence du type spirituel, originale et  spécifique : l'esprit même dans sa réalité, la personne dans sa subjectivité, la pensée dans son intériorité.
Bien plus, quand il s'agit de l'esprit, la conscience de l'existence et l'existence de la conscience sont une seule et même chose. La conscience de mon existence me révèle et me prouve l'existence de ma conscience.
La conscience est donc un être témoin de sa propre existence et qui en a l'intuition directe, l'immédiate expérience.
Par le mot de penser, écrit Descartes, j'entends tout ce qui se fait en vous de telle sorte que nous l'apercevons immédiatement par nous-mêmes.

1-2) Les degrés de la conscience.

Il semble tout naturel de définir la conscience par ses opérations et ses degrés. Mais aussitôt apparaît une difficulté que Descartes signale lui-même :
« L'acte par lequel on connaît une chose est différent de celui par lequel on connaît qu'on la croit. »
Il y a donc une conscience de la conscience et une fois engagé sur cette voie on risque de ne plus pouvoir s'arrêter : on envisage une conscience de la conscience de la conscience, un savoir du savoir du savoir et cela à l'infini, sans nul terme visible. Telle serait la conscience exponentielle : idée de l'idée, à l'infini.
A vrai dire, la difficulté est verbale. Il faut certes distinguer conscience spontanée et conscience réfléchie, ou encore conscience réfléchissante et conscience réfléchie mais au fond la conscience et la conscience de la conscience sont deux opérations de l'esprit qui ne diffèrent que par le degré d'intériorisation et de réflexion.
Il n'y a pas lieu de tenir pour un degré supérieur de prise de conscience ce que les philosophes appellent analyse réflexive ou conscience réflexive, savoir : l'analyse par l'esprit de ses propres mécanismes et de ses opérations internes.
Prenons un exemple :
- je me souviens (conscience spontanée);
- je sais que je me souviens (conscience réfléchie);
- j'analyse le souvenir en psychologue (conscience réflexive).

Les phénoménologues et Sartre ont proposé une autre façon de tourner la difficulté. Le Cogito cartésien, disent-ils, consiste à prendre conscience de sa propre existence précisément dans l'acte par lequel il y a conscience de cette existence.
Cela ne permet pas d'éviter le cercle vicieux et la régression à l'infini de la conscience exponentielle. Pour résoudre le problème il faut dédoubler le Cogito et admettre un Cogito pré-réflexif avant le Cogito réflexif. La conscience est alors reconnue comme précédant ce dont elle est conscience, elle est non-positionnelle, c'est-à-dire ne pose aucun objet ni ne se pose elle-même. Sartre constate que « toute existence consciente existe comme conscience d'exister » et cela suffit à définir le Cogito pré-réflexif : « La conscience première de toute existence n'est pas positionnelle : c'est qu'elle ne fait qu'un avec la conscience dont elle est conscience. »

• Une autre difficulté concerne les degrés de la conscience, c'est évidemment l'existence de l'Inconscient mais nous pensons qu'il faut entendre l'inconscient en termes de tendances et d'affectivité.

bdp
21-Avr-2024
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