Bien avant l'invention du cinématographe, des images étaient déjà projetées sur un écran grâce aux chambres Ares et aux lanternes magiques. Celles-ci possédaient des parties mécaniques permettant de déplacer des images. Pour créer une simulation optique du mouvement, le cinématographe utilise le phénomène de la persistance rétinienne. Mais son développement est principalement dû à l'invention du film photographique.
Plusieurs personnalités revendiquent la paternité de l'invention du cinématographe. L'américain Thomas Edison (1847-1931), inventeur du phonographe et de la lumière électrique incandescente, fut le premier à commercialiser une caméra performante. Mais ce sont les Européens qui mirent cette technique au point. La Première Guerre mondiale suspendit l'essor du cinéma en Europe, déterminant du même coup la prédominance américaine.
Les inventeurs
Le photographe anglais Eadweard Muybridge (1830-1904) fut le premier à donner une représentation du mouvement. Il photographiait le déplacement des animaux et des hommes et, pour projeter ses clichés, il imagina en 1880 le Zoopraxiscope.
En 1882, Étienne Marey (1830-1904) mit au point la chronophotographie. Ce procédé permettait de prendre une série d'images sur une plaque photographique tournante.
Grâce à la découverte du film souple en nitrocellulose par George Eastman (1854-1932), Edison put concevoir une technique efficace de photographie du mouvement et l'adapter à ses phonographes. En utilisant une pellicule celluloïd de 35 mm, munie d'encoches puis perforée sur les côtés, W. S. L. Dickson (1860-1935) mit au point une caméra, le Kinétographe, breveté en 1891, et un projecteur, le Kinétoscope, qui faisait défiler une boucle de film de 20 m de façon continue, à l'horizontale, derrière un oculaire. En 1894, il commercialisa le projecteur en tant que visionneuse à usage privé. À l'époque, la rentabilité de la projection publique de films était encore incertaine.
Doit-on pour autant accorder à Edison le crédit de l'invention du cinéma? L'Anglais William Friese-Greene (1855-1921) lui avait communiqué auparavant ses idées concernant la construction d'une caméra et d'un projecteur; et il existait déjà à l'époque une centaine d'engins de prise de vues différents, français, allemands ou tchèques. Après avoir assisté à une démonstration du Kinétoscope, les frères Lumière, Auguste (1862-1954) et Louis (1864-1948), mirent au point un système de projection encore plus performant, le cinématographe servant à la fois à la prise de vues et à la projection. Aux premiers principes techniques, ils ajoutèrent un système d'entraînement de la pellicule. La première projection publique eut lieu à Paris, le 28 décembre 1895. Trois mois plus tard, à New York, Edison commercialisait un projecteur, le Vitascope, création de Thomas Armat (1866-1948).
Les premiers films
Le premier film d'Edison s'intitule Fred Ott éternue. Il dure moins d'une minute. Ses autres films sont des sketches vaudevillesques ou historiques, sommairement mis en scène et tournés en studio avec un petit équipement. À l'inverse, les frères Lumière avaient mis au point une caméra portable. Ils filmaient la vie réelle : l'Entrée d'un train en gare de La Ciotat exerça une extraordinaire impression sur le public.
Georges Meliès (1861-1938) était illusionniste amateur. Fasciné par les projections des frères Lumière, il transforma son théâtre en studio de cinéma. Un jour, sa caméra cessa de tourner pendant un moment; au développement, un corbillard remplaçait la charrette du plan précédent. Il réalisa alors les possibilités infinies de l'arrêt sur image et d'autres truquages comme la double exposition. Il les exploita dans ses films pleins de fantaisie, tel le Voyage dans la Lune (1902).
À ces films encore très théâtraux succédèrent ceux de Edwin Porter (1869-1941) et de Cecil Hepworth (1874-1956) : respectivement l'Attaque du grand rapide et Rescued by Rover, tournés en extérieur. Dans le film de Porter, la caméra effectue un travelling pour suivre le galop du cheval. Le film se termine sur un gros plan de l'homme qui tire directement sur le public. Mais Porter ne développa pas ces idées au-delà.
Les acteurs célèbres
Les premières salles de cinéma américaines, surnommées les nickel-odeons, attiraient surtout les classes populaires. Pour 5 cents, «a nickel», elles offraient un programme de courts métrages d'une durée de vingt minutes. Plus tard, des longs métrages français d'une heure et plus, adaptés de pièces de théâtre à succès, drainèrent un nouveau public plus fortuné, qui payait sa place un dollar. Avec les recettes de la Reine Élisabeth (1912), tourné aux studios Gaumont avec Sarah Bernhardt (1844-1923), le metteur en scène Adolphe Zukor (1873-1976) fonda sa propre compagnie, la Famous Players Pictures, qu'il intégra en 1917 la Paramount.
L'Italie devint pendant quelques années le plus important producteur de films, avec une série de films historiques à grand spectacle tels que les Derniers Jours de Pompéi, Quo Vadis! (1912) ou Cabiria (1914).
David W. Griffith.
Metteur en scène de la compagnie américaine Biograph, David W. Griffith (1875-1948) accrut les possibilités de la technique cinématographique par ses recherches sur l'éclairage, le gros plan, le travelling, les angles de vue et le montage alterné et parallèle. Il limita le tournage aux scènes capitales. Griffith est aussi le premier metteur en scène à dépasser la durée d'une bobine, soit douze minutes, dans un film. Il s'entoura d'une solide équipe d'acteurs de cinéma, notamment Mary Pickford (1892-1979), Dorothy Gish (1898-1968) et Lillian Gish (1893-1993), et Lionel Barrymore (1878-1954), avec lesquels il s'établit en Californie.
Son film épique, Naissance d'une nation (1915), retrace la guerre de Sécession et ses conséquences. Ses innovations techniques et artistiques étonnèrent le public. L'optique de ce film, nettement sudiste, son racisme latent suscitèrent des critiques qui n'ont pas occulté la réussite cinématographique de Griffith.
Les films comiques muets.
Jeune metteur en scène ayant rapidement appris le métier avec Griffith, Mack Sennett (1884-1960) rejoignit les studios Keystone, en Californie. Ses films les plus célèbres sont les séries burlesques des Keystone Cops, pétillantes de poursuites et de gags qui utilisent les procédés de l'arrêt sur image et de l'inversion du mouvement, et combinent des truquages soigneusement étudiés. Le studio Keystone révéla Roscoe «Fatty» Arbuckle (1881-1932), Charlie Chaplin (1889-1977) et Buster Keaton (1895-1966).
Les classiques du cinéma muet européen.
Après la Première Guerre mondiale, le cinéma européen eut un rôle innovateur majeur face au dynamisme commercial des États-Unis. Robert Wiene (1881-1938), avec le Cabinet du docteur Caligari (1919), et Friedrich Murnau (1888-1931), avec Nosferatu le Vampire (1922), portèrent le cinéma expressionniste allemand à son sommet. Des chefs-d'œuvre comme Loulou (1929) de Georg Pabst (1885-1967) ou Metropolis (1927) de Fritz Lang (1890-1976) se distinguent par leur style réaliste et par leur profonde analyse sociale.
En France, Un chapeau de paille d'Italie de René Clair (1898-1981), Napoléon d'Abel Gance (1889-1981) et la Passion de Jeanne d'Arc de Carl Dreyer (18891968), figurent parmi les œuvres marquantes du cinéma muet. Les intellectuels virent dans le cinéma une nouvelle forme d'expression artistique : Jean Cocteau (1889-1963) réalisa le Sang du poète et Luis Buñuel (1900-1983), avec Dali, Un chien andalou, en 1928.
Serguei Eisenstein (1898-1948) est l'un des maîtres du cinéma soviétique de l'entre-deux-guerres. La puissance de rythme du Cuirassé Potemkine (1925) illustre son génie plastique et sa maîtrise technique.
Les débuts de la couleur.
Certains des premiers longs métrages étaient directement coloriés sur la pellicule. Mais la première technique employant la couleur naturelle est anglaise : le Kinemacolor mis au point en 1906 par George Albert Smith et Charles Urban en Angleterre. Le Technicolor vient des États-Unis (1915). À l'aide d'une caméra à prisme diviseur, les couleurs étaient séparées sur deux bobines de films. En 1941, on remplaça ce procédé bichromique par une technique trichromique qui nécessitait trois enregistrements de couleur, donc trois négatifs. En 1952, le procédé Eastman Color, plus économique et plus simple, supplanta le Technicolor : il utilisait un seul film négatif en trois couleurs, à partir duquel on pouvait réaliser des filins à la fois Technicolor ou Eastman Color.
Les débuts du parlant.
Les dialogues et les informations scéniques des films muets figuraient dans des séquences d'intertitres. Un piano ou un orchestre jouait dans la salle.
On enregistra la première bande-son à Berlin en 1896. En 1906, Eugène Lauste (1856-1935) fit breveter un procédé de caméra sonore qui enregistrait l'image et le son sur le même film; il ne connut pas d'application pratique, faute d'amplificateur. En 1926, les Frères Warner présentèrent un disque dont la piste musicale était synchronisée avec leur film Don Juan. Le Chanteur de jazz (1927), qui comprend des chansons et un bout de dialogue, est considéré comme le premier film parlant. L'année suivante, il devint possible d'enregistrer le son comme une simple source lumineuse, grâce au procédé allemand Tobis.
À la demande du public, les metteurs en scène se consacrèrent entièrement au parlant. Les premiers films étaient très statiques du fait que la caméra, trop bruyante, devait être placée dans un caisson insonore encombrant. L'invention de la perche mobile au bout de laquelle le micro est suspendu permit de nouveau de déplacer la caméra. Le montage du son atteignit bientôt la même perfection que celui des images.