Cinéma d'Hollywood.

Évoquer Hollywood, c'est faire référence à une ville mythique mais aussi à un style de films et à une école de réalisateurs. L'année 1911 vit s'établir les studios Nestor dans la banlieue de Los Angeles, suivis immédiatement d'une quinzaine d'autres studios. Hollywood devint rapidement le centre de l'industrie et de la communauté cinématographiques : on l'a surnommée, à juste titre, «la ville étoilée» ou « l'usine à rêves». Pendant quarante ans, les « majors », une poignée de grandes compagnies de production, y dominèrent le cinéma mondial, tant du point de vue de la qualité que de celui de la quantité : de grands metteurs en scène comme John Ford, King Vidor ou Cecil B. De Mille pouvaient y tourner jusqu'à six films par an.

À l'origine, les films étaient produits sur tout le territoire des États-Unis. Mais trois facteurs firent de Hollywood le centre du cinéma :
— le climat, Los Angeles connaît un ensoleillement de 350 jours par an
— la grande variété des décors naturels
—  les règles sévères de la Motion Picture Patent Company qui sévissaient sur la côte Est.

Outre une limitation du nombre des producteurs à neuf, c'est-à-dire à ses seuls membres, cette organisation professionnelle imposait des contraintes diverses, comme la limitation de la longueur des films à une bobine, soit huit à douze minutes, ou le strict anonymat des acteurs. Pour échapper à son emprise, qui ne cessa qu'en 1913, les compagnies indépendantes émigrèrent sur la côte Ouest.
Les studios et le « star system ».
Les principaux studios s'agrandirent, en même temps que leurs dépenses croissaient. Ils acquirent des équipements nouveaux, embauchèrent des équipes permanentes de techniciens, de décorateurs, de peintres, etc. Les scénaristes, les metteurs en scène et les acteurs commencèrent à ne plus contrôler leur vie professionnelle, leurs engagements portant sur une durée ou un nombres de films déterminés. La programmation des temps de tournage fut rationalisée.
L'abolition de l'anonymat des acteurs, en 1910, répondait à l'attente du public. Ceux-ci gagnèrent en popularité et leurs cachets augmentèrent. Leur célébrité ne se cantonnait plus à la région de leur activité, comme dans le cas du théâtre, mais atteignit une dimension mondiale. Le salaire des «stars» devint un poste important du budget du film. En contrepartie, les acteurs sous contrat devaient se conformer à toutes les exigences du studio, qui gérait leur carrière et assurait leur promotion en alimentant les journaux de détails réels ou imaginaires sur leur vie. Seules des personnalités comme Mary Pickford (1893-1979), Douglas Fairbanks (1883-1939) et Charlie Chaplin (1889-1977), qui créèrent leur propre compagnie, United Artists, réussirent à conserver leur indépendance.

Les westerns.

Les films réalisés dans les studios d'Hollywood portent la marque du professionnalisme de leurs auteurs. Une histoire simple et efficace, une mise en scène réaliste, telle est la règle d'or des «majors», peu soucieuses de perdre du temps et de l'argent en prenant des risques techniques ou artistiques inconsidérés : lorsque le public appréciait un film, la même veine était exploitée pour les suivants.
Le western privilégie l'action. Par là même, il convenait parfaitement au cinéma muet. De nombreuses stars obtinrent la consécration dans des rôles de cow-boys. Les personnages incarnant les bons et les méchants, les cow-boys et les Indiens, étaient très' nettement définis. Les scènes de poursuite, de comédie et les cascades étaient stéréotypées. Dans les années trente, le parlant mit à la mode les cow-boys chantants. Après 1945, la distinction entre le bon et le méchant s'estompa et un personnage plus complexe remplaça le héros populaire traditionnel. Les scènes de fusillade se firent plus réalistes et l'existence des pionniers de l'Ouest plus authentique. Des films comme la Guerre des étoiles (1977) représentent une adaptation des archétypes du western à la science-fiction.

Les films policiers

Certains films muets, comme ceux de Josef von Sternberg (1894-1969), avaient déjà abordé le sujet du crime organisé. Mais l'avènement du parlant et l'expérience de la prohibition rendirent le film policier éminemment populaire aux États-Unis. Edward G. Robinson (1893-1972), James Cagney (1899-1986) et Humphrey Bogart (1899-1957) construisirent leur réputation sur des rôles de gangsters, inspirés parfois de personnages réels. Dans Certains l'aiment chaud (1959), Billy Wilder (né en 1906) parodia ce genre policier. Plus récemment, Bonnie and Clyde (1967) et le Parrain (1971) lui apportèrent un degré de sophistication supplémentaire.

Les comédies musicales.

Elles naquirent avec le parlant. Al Jolson (1886-1950) fut le premier à introduire des intermèdes chantés, dans le Chanteur de jazz; dans le Fou chantant (1928), il intégra totalement les chansons à l'action. Première authentique comédie musicale, la Mélodie de Broadway (1929) établit la référence du genre : des répétitions dans un music-hall servent de prétexte à de nombreux numéros de revue.
Pendant trente ans, Busby Berkeley (1895-1976) produisit des chorégraphies éblouissantes et entièrement conçues pour la caméra, comme 42e Rue. Chanteurs et danseurs, Fred Astaire (18991987), Judy Garland (1922-1969) et Gene Kelly (né en 1912) devinrent les valeurs sûres des studios. La Metro Goldwin Mayer réalisa les plus grandes comédies musicales, depuis le Magicien d'Oz (1939) jusqu'à Chantons sous la pluie (1952). Mais le coût de ces productions devenant prohibitif, il ne fut bientôt plus tourné que des versions filmées de comédies musicales créées au théâtre. Puis, All that jazz (1979) de Bob Fosse (1925-1988).

Les autres genres.

Hollywood développa une multitude d'autres genres : les films à suspense, comme ceux de l'Anglais Alfred Hitchcock (1899-1980), les films d'horreur, de guerre, d'action, d'amour, historiques, sociaux, catastrophes, ainsi que les comédies qu'illustrèrent des personnalités aussi diverses que les Marx Brothers, Frank Capra (né en 1897), ou Woody Allen (né en 1935).

La conscience sociale d'Hollywood.

À la suite de la crise de 1929, les scénaristes s'intéressèrent aux problèmes sociaux. L'adaptation par John Ford (1895-1973) du livre de John Steinbeck, les Raisins de la colère, constitue l'apogée de cette tendance. Elle se prolongea après la Seconde Guerre mondiale, notamment avec les Plus Belles Années de notre vie (1946) de William Wyler (1902-1981), qui décrit l'adaptation difficile des G.I. à la vie civile, Crossfire (1947) d'Edward Dmytryk (né en 1908), qui aborde le problème de l'antisémitisme, ou encore l'Homme au bras d'or (1955) d'Otto Preminger (19061986), qui évoque le fléau de la drogue. Au début des années cinquante, la chasse aux sorcières, menée par les anticommunistes et dirigée par le sénateur McCarthy. contraignit plusieurs réalisateurs, acteurs ou scénaristes à quitter Hollywood. Elia Kazan (né en 1909) dut témoigner et prêter serment devant la Commission des activités anti-américaines pour pouvoir poursuivre son travail de metteur en scène. Il fut l'un des créateurs de l'Actor's Studio, qui forma de nombreux acteurs au jeu naturaliste, parmi lesquels Marlon Brando (1924-2004) et James Dean (1931-1955).

La concurrence de la télévision.

Dans les années quarante et cinquante, la popularité croissante de la télévision provoqua une chute de la fréquentation des salles de cinéma. Hollywood répliqua par des films à grand spectacle et des innovations techniques : cinémascope, troisième dimension, son stéréophonique, etc. Pour réduire ses coûts, Hollywood transféra un temps la production de ses films en Grande-Bretagne, en Espagne et en Italie. Les studios cherchèrent à élargir leur audience.
En 1949, la loi antitrust contraignit les grandes compagnies d'Hollywood à se séparer de leurs salles de cinéma. Plus tard, les nécessités économiques les amenèrent à vendre leurs décors, les costumes, les accessoires et les droits de certains films. Aujourd'hui, les grands studios ont été rachetés par des multinationales américaines ou japonaises, tandis que certaines compagnies indépendantes ont une production importante. Hollywood travaille désormais essentiellement pour la télévision.

Les rebelles d'Hollywood.

Si Hollywood pouvait accorder une certaine liberté aux réalisateurs talentueux, il se montrait impitoyable envers ceux qui refusaient le système.
Acteur pendant la période du cinéma muet, Erich von Stroheim (1885-1957) tenait le rôle de «l'homme que le spectateur aime haïr». Il devint également un grand metteur en scène, réputé pour ses longs plans minutieux. Il obtint de nombreux succès pour le compte des studios Universal, avant de se faire renvoyer.
Pour les Rapaces, ambitieux projet de la MGM, il tourna 42 bobines, avec l'intention de le projeter en deux parties. Mais les studios le réduisirent à une durée standard, plus commerciale. Le monteur n'avait lu ni le scénario original ni le livre : il saccagea le film. La MGM, qui avait dépensé 4 470 000 dollars, n'en fit même pas la publicité et préféra, pour des raisons fiscales, le passer par pertes et profits.
Huit autres films de von Stroheim furent ainsi mutilés avant leur distribution en salle. Son seul film parlant fut confié par les studios à un autre metteur en scène, avec pour mission de le retravailler dans un style plus commercial. Von Stroheim ne reçut par la suite que des commandes de second ordre. Il connut néanmoins deux succès en tant qu'acteur, dans la Grande Illusion (1936) de Jean Renoir (1894-1979) et dans Boulevard du crépuscule (1950) de Billy Wilder (1906-2002).
Après de grands succès de radio et de théâtre new-yorkais, Orson Welles (1915-1985) obtint carte blanche de la part des studios pour tourner Citizen Kane (1941). La construction non chronologique de son film, ses angles inédits de prises de vue et la profondeur de champ de sa caméra ouvrirent des territoires encore inexplorés au cinéma.
Admiré comme un chef-d'œuvre, ce film obtint un accueil catastrophique dans certaines villes. RKO interdit à Orson Welles de terminer le montage de son film suivant, la Splendeur des Amberson. En outre, la compagnie en coupa quarante minutes et en modifia la fin sans son autorisation. Welles se vit appliquer un traitement identique lors de ses quatre films suivants, puis il fut mis fin à son contrat. Il passa une grande partie de sa vie à jouer dans les films, même mineurs, d'autres auteurs, afin de se procurer les fonds nécessaires à la réalisation de ses propres œuvres.

Le mouvement anti-Hollywood.

D'Andy Warol (1929-1987) et Paul Morrissey (1939-) aux documentaires sociaux un mouvement parallèle très actif, proche des circuits d'art ey d'essai s'est constitué face à Hollywood. Les succès de Shadows (1960) de John Casavettes (1929-1989) fournit un preuve de la vivacité de ce mouvement.

bdp
26-Avr-2024
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