Histoire de la philo

4) Le XIXe siècle

Par une réaction très violente, dont nous ressentons encore les effets, le XIXe siècle fut le siècle des philosophes prophètes et messies. Après Rameau, Beethoven, Berlioz et Wagner, après Voltaire, Hegel et Auguste Comte (y. ces noms). Les traditionalistes français, J. de Maistre, de Bonald, Lamennais, par un retour aux sources de la révélation chrétienne, où ils voient l'origine des sociétés et de l'intelligence, se montrent, plutôt que philosophes, adversaires des philosophes dans le sens que le mot avait pris au XVIIe siècle.

☀ Fichte (1762-1814).

La terre d'élection de la philosophie est alors l'Allemagne, qui retrouve de vieilles traditions qui, de proche en proche, remontent jusqu'au néoplatonisme, à cette métaphysique qui nous dévoilait un royaume spirituel dont elle nous faisait membres. Fichte, le philosophe patriote des Discours à la nation, allemande, démontre le premier, par sa dialectique, que l'obligation morale ou devoir rend seule compréhensible une nature qui paraît d'abord étrangère au moi ; mais qui en réalité a été posée par le moi comme condition de son activité morale ; la moralité ne se superpose pas à la nature et ne dépend pas d'elle, comme l'avait cru le 'vile siècle ; elle est première, et la nature est produite comme lieu de son exercice et moyen de sa manifestation. En affirmant l'identité du sujet et de l'objet, du moi et du non-moi, Schelling ne faisait que pousser à bout la pensée de Fichte ; en romantique, il imaginait que la pénétration de la nature par la moralité, donnée par celui-ci comme une tâche infinie, était éternellement achevée.

☀ Hegel et Marx.

La philosophie de Regel (1770-1831) est une sorte de magie ; il ne prétend pas nous conduire à une réalité intelligible, différente des choses que nous connaissons immédiatement ; mais il transfigure ces choses en montrant qu'elles sont toutes des moyens que l'esprit a de se manifester à lui-même et de se connaître. Règles abstraites de la logique, nature, société, histoire, ce sont les moments par où il doit passer pour se réaliser sous ses formes les plus hautes : l'Etat, l'Art, la Religion. La philosophie reproduit le mouvement dialectique qui fait passer des formes de réalité les plus pauvres et les plus abstraites aux plus riches et au plus concrètes ; toute réalité est ainsi affectée d'un coefficient spirituel et comme justifiée et même sanctifiée par sa participation à la révélation de l'esprit : quand on songe que, pour Hegel, la plus haute de ces réalités est l'Etat national indépendant (et non l'humanité, idée purement abstraite), on voit la portée politique de sa philosophie. Le marxisme est une branche de l'hégélianisme, mais, chez Marx (1818-1883), la dialectique, qui mène d'un terme à sa négation, n'est pas une opposition d'idées, mais une lutte réelle qui, d'après le Capital, doit s'achever par la suppression du capitalisme et la victoire du prolétariat.

☀ Le positivisme.

En France aussi, il y a des philosophes prophètes, mais qui parlent d'un tout autre ton. Les Allemands ne tiennent pas compte des sciences positives ; c'est sur elles qu'Auguste Comte (1798-1857) fonde son positivisme (y. ce mot). Les Allemands veulent justifier la situation présente, Comte veut prédire et organiser la forme sociale à venir. Hegel arrive à faire de l'Etat prussien la plus haute manifestation ; c'est à l'humanité tout entière que songe le positivisme. Comte, comme toute son époque, dans son Cours de philosophie positive, rejetait l'esprit critique et analyste du XVIIIe siècle ; il semble qu'il aurait dû avoir pour les sciences positives, essentiellement liées à cet esprit, le même dédain superbe qu'avaient pour elles les philosophes allemands ; or, il n'en est rien : d'abord, il donne à l'esprit critique un rôle indispensable dans l'histoire de l'humanité ; c'est lui qui a détruit les derniers vestiges des croyances théologiques qui étaient la base de l'organisation des sociétés antiques et médiévales ; il était donc nécessaire pour faire place nette à cette organisation définitive de l'humanité que rêve le positivisme. De plus, il n'envisage pas les sciences positives dans le même esprit que les spécialistes dont chacun cherche à faire progresser sa science ; il pense que ces sciences sont arrivées à peu près à leur terme, qu'on peut en tirer, pour l'enseignement et l'application, des résultats définitifs, et qu'il convient de les organiser hiérarchiquement suivant les services que chacune rend à celle qui la suit : mathématiques, astronomie, physique, chimie, biologie ; et cela pour permettre la création d'une science plus complexe qui suppose toutes les précédentes, la sociologie, qui donnera les bases d'un art politique rationnel, comme les précédentes fondaient l'art de l'ingénieur et du médecin. Le but de Comte était une politique positive s'achevant en une religion de l'humanité dont le culte et les rites devaient donner à la société une stabilité définitive, plus grande encore que celle que lui avait donnée le christianisme au moyen âge.

☀ Le personnalisme.

Ces philosophies prophétiques se marquent toutes à la fois par une confiance optimiste en une loi immanente aux choses qui mène l'humanité et par un mépris et un dédain complet de l'initiative des personnes. Elles trouvèrent dans les générations du milieu du siècle des adversaires acharnés. Le plus grand ennemi de Hegel est Schopenhauer (1788-1860), pour qui la vie est le produit d'une volonté de vivre entièrement aveugle, qui, dès que la philosophie vient à l'éclairer, doit renoncer à elle-même (Le monde comme volonté et comme représentation). Contre Hegel et Comte, Renouvier (1815-1903) met en valeur le caractère intangible de la personne et de ses droits ; le principe de la société est la justice qui est le respect mutuel et consenti des personnes, et il ne faut compter sur aucun progrès fatal pour l'établir ; l'affirmation de la liberté de vouloir est le résultat d'une croyance, elle-même jouit d'une libre initiative. La croyance à la création, à l'initiative, à l'imprévisible (et, comme dit le philosophe suisse Gourd, à l'incoordonnable) tient la plus grande place dans les doctrines de Ravaisson, de Boutroux, de Bergson (18591941), qui toutes se rattachent à la tradition de Maine de Biran ; au dilettantisme de Gide qui refuse de choisir pour ne rien perdre, s'oppose l'idée bergsonienne que le progrès est choix, mais par là même exclusion. Des philosophies d'inspiration catholique, celles de Maurice Blondel, de Laberthonnière soutiennent aussi le personnalisme.

bdp
21-Avr-2024
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