Gérard de Nerval

Gérard de Nerval

Gérard Labrunie, dit Gérard de NERVAL (Paris, 1808 - Paris, 1855). Élevé par son oncle à Mortefontaine, sensible dès l'enfance aux paysages et aux contes du Valois, il devient l'ami de Théophile Gautier au lycée Charlemagne. A dix-huit ans, il traduit avec brio le Faust de Goethe, et ce premier succès lui vaut d'être introduit auprès des Romantiques dont il partage alors la vie animée et souvent bohème. Grand amateur de théâtre, il tombe amoureux de l'actrice Jenny Colon dont la figure hantera son oeuvre ultérieure. Ses premiers récits, légers et délicats, ne permettent pas encore de soupçonner le style intérieur et le caractère mystique qui deviendra le sien après son internement pour troubles nerveux en 1841.

Entre ses crises de délire et ses moments d'abattement, il part pour l'Orient et relate ses souvenirs dans son Voyage en Orient (1851). A partir de cette même année, les crises se font plus fréquentes et plus violentes. Mêlant ses souvenirs, recomposant autour de ses différentes amours malheureuses la figure d'une femme unique à laquelle il voue une admiration quasi religieuse, il écrit alors les sonnets des Chimères (1854) et les différents épisodes des Filles du Feu, parmi lesquels Sylvie et surtout Aurélia (voir Ebook) représentent l'extraordinaire conjonction de la réalité et du rêve.

Ayant quitté la clinique du docteur Blanche où il était soigné, il erre alors dans Paris, sans ressources et emporté par ses visions. On le retrouve pendu à une grille de la rue de la Vieille-Lanterne, à l'aube du 26 janvier 1855. La veille au soir, il avait écrit ce billet à sa tante : «Ne m'attends pas ce soir, car la nuit sera blanche et noire.»

El Desdichado

Je suis le Ténébreux, — le Veuf, — l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie:
Ma seule Étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phoebus?… Lusignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine;
J'ai rêvé dans la Grotte où nage la Syrène…

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron:
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.

Les Chimères