Littérature populaire

La popularité d'une œuvre littéraire n'exclut pas sa qualité. La publication de leurs romans sous forme de feuilletons dans les journaux n'a pas empêché Honoré de Balzac ou Charles Dickens de soulever des problèmes moraux et humains universels. Ce mode de diffusion leur a ouvert un large public. Une certaine tradition critique n'en considère pas moins la littérature populaire — c'est-à-dire l'ensemble de la production romanesque qui s'adresse à une grande masse de lecteurs — comme indigne de toute reconnaissance littéraire au sens strict. Le statut de cette littérature populaire a toutefois évolué. Elle a conquis l'attention des universitaires, grâce à son intérêt culturel ou sociologique plutôt que littéraire.

La littérature populaire englobe une grande variété de genres. Ceux-ci partagent néanmoins deux caractéristiques communes. D'une part, ils touchent un vaste lectorat très diversifié. D'autre part, afin de répondre à son attente, ils doivent respecter un ensemble de lois, de structures et de thèmes déterminés.
Parmi ces lois figure le respect d'un certain confort de lecture : un style simple, direct, qui laisse au lecteur la possibilité de pouvoir anticiper les événements. Les lecteurs cherchent, ou sont supposés chercher, à revivre l'expérience qu'ils ont vécue précédemment en lisant des ouvrages semblables. Ainsi, les personnages des romans d'amour ou des romans policiers ont beau changer de nom, de pays, de voiture et de profession, ils restent interchangeables. Une autre loi fondamentale du genre est de garantir au lecteur le sentiment d'une évasion de son univers quotidien. Troisième loi, privilégier l'action et le dialogue sur l'introspection et l'analyse, ainsi que le langage quotidien sur le discours élaboré. Tout élément qui risquerait de ralentir le rythme du récit, une psychologie trop complexe ou des conflits d'idées par exemple, est banni de cette littérature.
Ces considérations pourraient laisser croire que la littérature populaire n'a qu'une fonction sociale essentiellement conservatrice. En fait, les différents genres qui la composent se reconnaissent des objectifs variés et méritent d'être considérés séparément.

Le roman historique

Né à l'époque romantique, le roman historique, sous sa forme de roman de cape et d'épée, a trouvé son archétype dans les Trois Mousquetaires (1844) d'Alexandre Dumas (1802-1870). Influencé par Walter Scott, Dumas a su mettre en scène différentes époques historiques, mais c'est surtout à travers le personnage de d'Artagnan qu'il a exprimé au mieux sa faconde et son esprit inventif. En 1907, le roman de cape et d'épée français trouve son second héros populaire, Pardaillan, immortalisé par Michel Zévaco (1860-1918).

Le roman policier

C'est au XIXe siècle que naît le roman policier. L'écrivain américain Edgar Allan Poe (1809-1849) établit son modèle avec Double Assassinat dans la rue Morgue (1841), dans lequel le public découvre avec surprise l'art de raisonner du chevalier Dupin. L'Angleterre accueille les premiers héritiers de Poe. Il s'agit principalement de Wilkie Collins (1824-1889), auteur de la Pierre de lune (1868), qui passe pour le premier maître du genre, d'Arthur Conan Doyle (1859-1930), le créateur du type parfait du détective amateur, Sherlock Holmes, et de Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), créateur du père Brown, un des personnages les plus originaux du roman policier.
Les années vingt passent pour l'âge d'or du roman policier, avec Agatha Christie (1891-1976), créatrice d'un des plus célèbres héros de roman policier, le policier belge maniéré Hercule Poirot.
En Amérique, la tradition du roman policier de série noire trouve son expression dans le personnage du détective privé solitaire. Ses auteurs phares sont Dashiell Hammett (1891-1961), auteur du Faucon maltais (1930), et Raymond Chandler (1888-1959), qui crée le personnage de Philip Marlowe, héros notamment du Grand Sommeil (1939).

Sherlock Holmes, le brillant et excentrique détective amateur, est une création d’Arthur Conan Doyle. Le célèbre locataire du 22Ib, Baker Street est inséparable du personnage du docteur Watson, son compagnon d'aventure.

En France, Émile Gaboriau (1832- 1873) inaugure la tradition du roman policier à énigme avec l'Affaire Lerouge (1866). Maurice Leblanc (1864-1941) invente une nouvelle figure du roman populaire avec son héros cocardier mais plein de fantaisie, Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur. Le Belge Georges Simenon (1903-1989) adapte la finesse de l'analyse psychologique du roman dit «sérieux» à la littérature policière, grâce à la personnalité humaine et attachante de l'inspecteur Maigret.
Le roman d'espionnage a semblé supplanter le traditionnel «polar», grâce à des adaptations cinématographiques sophistiquées, comme celles des romans de Ian Fleming (1908-1964), qui présentent les aventures de son fameux héros James Bond 007. Un des romans précurseurs de ce genre a été les Trente-Neuf Marches (1915), de l'écrivain écossais John Buchan (1875-1940).
À l'opposé des aventures trépidantes du personnage de Fleming, les romans de John Le Carré (né en 1931) cultivent avec succès une veine moins exubérante, mêlant un réalisme austère et une intrigue complexe. George Smiley, l'agent secret aux manières délicates, archétype de l'espion qui travaille dans l'ombre, apparaît dans de nombreux romans de Le Carré, notamment dans celui qui l'a fait connaître, L'espion qui venait du froid (1963).

Le roman d'épouvante

Le fantastique moderne doit son essor essentiellement à la tradition anglo-saxonne. C'est un genre composite qui, outre l'intrusion nécessaire du surnaturel, installe dans un récit tous les éléments susceptibles d'éveiller chez le lecteur des sentiments de peur tels que l'insolite et l'étrange, le rêve et le cauchemar, les monstres et les maléfices, l'angoisse et l'horreur.
Les histoires surnaturelles abondaient dans la littérature folklorique, mais c'est le roman gothique, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui donne à la littérature fantastique son expression et ses lettres de noblesse littéraires. Ces contes, avec leurs paysages de brume, leur atmosphère sombre, leurs héroïnes terrifiées et leurs moines sinistres, préfigurent les histoires actuelles d'horreur et de sang, peuplées de fantômes.
Durant la période romantique, Edgar Poe aux États-Unis et E. T .A. Hoffmann en Allemagne renforcent la crédibilité littéraire du fantastique. En Grande-Bretagne, son influence persiste pendant tout le XIXe siècle et au-delà, dans les histoires de fantômes et les romans de Joseph Sheridan Le Fanu (1814-1873), et le Docteur Jekyll et Mr Hyde (1886) de Robert Louis Stevenson (1850-1894). Aux États-Unis, le maître de l'horreur indicible, le créateur d'entités abominables, Howard Lovecraft (1890-1937), étend considérablement le registre infernal de son prédécesseur Edgar Poe.
Les histoires de vampires font partie du folklore d'Europe de l'Est. Elles doivent leur immense popularité au personnage de Dracula (1897) de l'écrivain irlandais Bram Stoker (1847-1912). La légende du comte Dracula de Transylvanie, éternel mort-vivant, avec ses canines aiguisées et sa cape noire, a inspiré de nombreuses versions cinématographiques.
Les histoires de vampires ou d'occultisme ainsi que l'inspiration satanique abondent dans la production d'écrivains contemporains, notamment chez Dennis Wheatley (1897-1977) en Angleterre et Stephen King (né en 1946) aux États-Unis.

Le roman de science-fiction.

La science-fiction, ou SF, est un genre romanesque qui fait intervenir un stade technologique ou scientifique imaginaire et, dans la plupart des cas, futuriste. Le roman de Mary Shelley (1797-1851) Frankenstein (1818) fut le célèbre précurseur du genre.
Mais les deux fondateurs de la science-fiction apparaissent au me siècle. Il s'agit du Français Jules Verne (1828- 1905) et de l'Anglais Herbert George Wells (1866-1946). Les romans de Verne comme De la Terre à la Lune (1865) et Vingt Mille Lieues sous les mers (1870) combinent à la fois la recherche technique, le parcours initiatique, le rêve et l'ambition humaine de dominer le monde. Les romans de Wells introduisent des thèmes qui domineront longtemps le monde de la SF : le voyage dans le temps avec la Machine à explorer le temps (1895), l'invasion d'extra-terrestres dans la Guerre des mondes (1898) et l'expérimentation chirurgicale dans l'île du docteur Moreau (1897).
Après 1945, le développement, aux États-Unis, des technologies de l'espace, de l'énergie nucléaire ou de l'informatique donne une impulsion fabuleuse aux thèmes des explorations fictives, de l'utopie scientifique, de la découverte de races extra-terrestres, de l'abolition de l'espace-temps. Cet essor a révélé un nombre impressionnant d'auteurs, d'Isaac Asimov à Roger Zelazny.
Récemment, la SF «nouvelle vague», représentée par des écrivains anglais comme James Graham Ballard (né en 1930) ou Michael Moorcock (né en 1939), s'est enrichie d'une réflexion angoissée et approfondie sur les problèmes que posent à notre société les moyens techniques dont elle se dote. Ces écrivains ne font en fait que renouveler une vieille préoccupation d'une partie de la SF dite «sérieuse» : les conséquences négatives du progrès infini sur l'avenir de l'humanité. Aldous Huxley (1894- 1963) et George Orwell (1903-1950) avaient déjà exposé leurs visions effrayantes d'un tel avenir dans, respectivement, le Meilleur des mondes (1932) et 1984 (1949).
Le genre fantastique est affilié à la SF, quoique la part de la fiction y soit réévaluée par rapport à celle de la science. Le surnaturel et la magie s'insèrent naturellement dans une intrigue mouvementée et située dans une période protohistorique. L’œuvre la plus marquante est due à l'Anglais John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973), auteur de Bilbo le Hobbit (1937) et du Seigneur des Anneaux (1954-1955), au style épique, fantastique et médiéval.

En marge de la littérature fantastique, certaines œuvres de fantaisie, souvent destinées à un lectorat jeune, obéissent aux mêmes règles irrationnelles : Alice au pays des merveilles (1865) de Lewis Carroll (1832-1898) et Pinocchio (1883) de l'Italien Carlo Collodi (1826-1890).

Le roman rose ou sentimental

Le roman rose ou sentimental s'adresse presque exclusivement à un lectorat féminin. Ses thèmes se concentrent sur les péripéties de l'amour. De façon invariable, l'amour est menacé au cours de l'intrigue, avant que l'héroïne ne prouve qu'elle est digne et capable de conquérir l'homme qu'elle aime.
Plus que toute autre forme de littérature populaire, les romans d'amour reposent sur des intrigues conventionnelles, des personnages stéréotypés et de multiples clichés d'écriture. Ils ressortissent à ce que l'on appelle de façon péjorative la «littérature de gare». L'Angleterre s'est fait une spécialité de ce genre. Des écrivains comme Catherine Cookson (1906-1998), Georgette Heyer (1902-1974) et, surtout, Barbara Cartland (1901-2000) , composent en série d'innombrables romans plus ou moins semblables, en un temps record. En France, des auteurs comme Guy des Cars (1911-1993) ou Delly, nom de plume de Jeanne-Marie Petitjean de La Rosière (1875-1947) et de son frère Frédéric (1876-1949) touchent un public identique.
Le succès des romans d'amour, qui donnent des femmes une image conventionnelle faite de passivité et de soumission, révèle l'existence de problèmes réels dans la vie de nombreuses femmes. Les dénouements heureux que proposent ces romans suggèrent une certaine accommodation des femmes à leur condition dans une société dominée par les hommes. Outre leur réputation de médiocrité littéraire, la critique féministe dénonce les satisfactions illusoires qu'apportent les romans d'amour, car ils conforteraient les femmes dans leur situation.

Le « best-seller »

Tout roman qui connaît un grand succès d'édition acquiert du même coup le statut de best-seller, qui signifie «qui se vend bien». Mais, au sens large, le best-seller désigne une catégorie bien particulière de romans sans prétention littéraire et de courte «durée de vie», mais dont le style et l'intrigue, ainsi que la diffusion, sont planifiés dans l'unique but d'obtenir un profit rapide.

De tels romans situent généralement leurs intrigues dans le monde actif et fascinant de la haute société et des milieux d'affaires. Ils sont consacrés à des sujets tels que la mafia, la corruption financière et la lutte pour le pouvoir. Leur action est pimentée d'ingrédients essentiels tels que le sexe et la violence. Les romans de l'Américain Harold Robbins, dont les ventes dépassent les deux cents millions d'exemplaires, et du Français Paul-Loup Sulitzer représentent les archétypes du genre.

bdp
19-Sep-2024
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