Roman pour la jeunesse de Carlo Collodi (pseudonyme de Carlo Lorenzini, 1826-1890), publié d'abord en feuilleton dans le « Giornale per Bambini » (« Journal des Enfants ») de Ferdinando Martini en 1878, puis en volume, toujours à Florence, en 1883, sous le titre Les aventures de Pinocchio. Histoire d'une marionnette [Le avventure di Pinocchio. Storia di un burattino), avec les illustrations de Enrico Mazzanti. L'ouvrage rencontra dès sa parution un grand succès et les rééditions furent très nombreuses. Il faut rappeler particulièrement l'édition de 1911, illustrée par le peintre Attilio Mussino, qui créa l'image de la marionnette telle qu'elle est restée jusqu'à l'interprétation qu'en donna Watt Disney dans son dessin animé. L'invention continuelle, les trouvailles qui se suivent à, chaque page, semblent presque justifier par leur jaillissement spontané la fausse légende suivant laquelle Collodi aurait écrit son livre en une nuit, pour pouvoir régler une dette de jeu. Le parallèle est remarquable que l'on peut faire entre Pinocchio et Peter Pan, autre célèbre personnage parmi les plus aimés des enfants. L'un comme l'autre sont « moitié-moitié », pour employer l'expression de Barrie lui-même : moitié marionnette, moitié gamin, tel est Pinocchio ; moitié gamin, moitié lutin, tel est Peter Pan. Tous deux sont à mi-chemin entre la fable et la réalité, avec la différence que Pinocchio, en se détachant du rêve, veut parcourir les routes du réel et abandonner sa dépouille de marionnette, tandis que Peter Pan veut rester toujours enfant.

Gepetto et Pinocchio par W. Disney
Les Aventures de Pinocchio se développent en 36 courts chapitres. Les deux premiers nous racontent comment il arriva que Maître Cerise, menuisier, trouva un morceau de bois qui riait et pleurait comme un enfant et comment Maître Cerise fit cadeau d'un morceau de bois à son ami Geppetto, qui le prit dans l'intention de fabriquer une marionnette merveilleuse qui saurait danser, faire de l'escrime et exécuter les sauts périlleux. A peine Geppetto a-t-il fini d'ébaucher les yeux et la bouche que déjà ceux-ci lui adressent les plus vilaines grimaces. Sitôt les jambes montées à leur place, après les premiers pas embarrassés, la marionnette enfile la porte et disparaît. Geppetto se met à sa poursuite. L'ayant rattrapé non sans peine, Geppetto lui donnera à manger, l'habillera d'un costume en papiers à fleurs, d'une paire de souliers en écorce et d'un béret en mie de pain. Désirant l'envoyer à l'école, Geppetto vend sa veste pour lui acheter l'abécédaire. Pinocchio est rempli de bonnes intentions : « Aujourd'hui même, à l'école, je veux apprendre à lire demain j'apprendrai à écrire et après-demain à compter» Mais les bonnes intentions ne résistent pas à une musique lointaine de fifres et de grosse caisse. C'est un théâtre de marionnettes qui invite son jeune public à la représentation. Pinocchio vend l'abécédaire pour quatre sous, prix du spectacle. Et dans le théâtre, c'est le cataclysme. Les marionnettes reconnaissent en lui un frère : Pinocchio saute sur la scène, la comédie est interrompue au milieu des huées du public. Le montreur de marionnettes, Mange-le-feu, est une espèce de géant à l'allure terrible, mais au cœur d'or. Après avoir menacé de brûler tout vivant Pinocchio, il se laisse émouvoir par les larmes de la marionnette et lui donne cinq pièces d'or pour qu'il les apporte à Geppetto. Encore une fois, en dépit de ses bonnes intentions, Pinocchio se laisse prendre aux astuces d'un Renard plein de ruse et d'un Chat voleur.

Pinocchio et la Fée bleue
Tout son argent serait perdu, s’il n'était secouru par la Fée aux-cheveux-bleus qui l'héberge pour quelque temps. Plus tard, ayant repris la route de l'aventure, Pinocchio fera la rencontre d'un horrible Serpent auquel il échappe par miracle. Mais c'est pour tomber aussitôt dans un piège à loups : le voici désormais attaché à une chaîne comme un chien et le fermier qui le retient prisonnier lui confie la garde de son poulailler. Ayant bien rempli son devoir, le fermier lui accorde en récompense : la liberté. Aussitôt Pinocchio se rend à la maisonnette de la Fée ; il n'y trouve hélas ! qu'un tombeau :
— Ci-gît
— la Jeune fille aux cheveux bleus
— morte de douleur
— pour avoir été abandonnée
— par son petit frère Pinocchio ».
Apitoyé par ses larmes, un pigeon voyageur le, transporte jusqu'au bord de la mer. C'est ici que s'insère le récit du voyage de Pinocchio à l’île des Abeilles Industrieuses : dans cette île, chacun doit travailler s'il veut manger. Pinocchio d'abord s'y refuse ; mais poussé par la faim, il aide une jeune femme à porter un broc d'eau et finit par reconnaître en elle la Fée. « Tu te souviens, lui dit-elle, tu m'as laissée petite fille et maintenant tu me retrouves femme. Si bien que je pourrais presque te servir de mère. La marionnette promet une fois de plus de changer de vie et d'étudier. Il veut devenir un vrai garçon. Mais malheureusement il y a toujours, dans la vie des marionnettes, un « mais » qui gâche tout : Pinocchio part en cachette avec son ami Lucignolo pour le Pays des Joujoux, où après cinq mois d'une vie de cocagne il se transforme, comme tous les mauvais écoliers, ses compagnons de bombance, en un joli petit âne.
Bien longtemps après, redevenu marionnette, il sera englouti sous les yeux mêmes de la Fée, par un énorme requin. Dans le ventre du monstre, Pinocchio retrouve Geppetto son maître, qui vit là depuis deux ans, grâce aux provisions accumulées dans l'estomac de l' « Attila » des poissons. Celui-ci peut avaler un navire tout entier, mais souffre d'asthme et par la bouche ouverte du monstre endormi, une nuit Pinocchio s'enfuit en portant sur son dos Geppetto ; un thon obligeant les aide à gagner le rivage. Après tant de mésaventures. Pinocchio est enfin digne de devenir un enfant comme les autres. Il travaille pour son père, il vient en aide à la Fée en un moment de besoin et un beau matin : « Comme j'étais drôle, à l'état de pantin ! dira-t-il en regardant sa dépouille en bois, toute désarticulée et pantelante.
La conclusion moralisante (« Combien je suis satisfait maintenant d'être devenu un petit garçon comme il faut ! ») peut paraître postiche. On a d'ailleurs supposé qu'elle avait été ajoutée à la demande de l'éditeur, par un ami de Collodi, Guido Bitte à l'insu même de l'auteur. Quoi qu'il en soit, la puissance de fantaisie du livre est telle qu'elle confère une logique même à l'interprétation purement pédagogique de la conclusion. Le livre s'impose comme un chef-d'œuvre de la littérature pour enfants.
