M. Britling

M. Britling commence à voir clair est un roman de l'écrivain anglais Herbert-George Wells (1866-1946), publié à Londres en 1916.

Mr. Britling, homme de lettres célèbre en Angleterre comme en Amérique, vit dans sa propriété de campagne de Matching's Easy, dans l'Essex, une vie facile et heureuse, au milieu des siens. Son petit monde de Matching's Easy comprend : les enfants de Mr. Britling, Hugh d'abord, son préféré, fils d'un premier mariage ; les deux enfants que lui a donnés sa deuxième femme, devenue pour lui une bonne compagne et une parfaite maîtresse de maison ; Mrs. Harrowdean, une jeune veuve, dernière en date de ses amourettes, plutôt que véritable passion ; Teddy, son secrétaire, ainsi que la femme et la belle-sœur de Teddy ; Heinrich, instituteur allemand des enfants, naïf jeune homme incapable de comprendre la vie et l'esprit de l'Angleterre en général et Mr. Britling en particulier enfin Gladys, l'auto de Mr. Britling, source d'aventures et de mésaventures.

Au moment où sur cette existence heureuse va éclater le tonnerre de 1914, Mr. Direck, un admirateur américain de Mr. Britling, est l'hôte de Matching's Easy et le spectateur du drame qui s'annonce. Mr. Britling, quant à lui, ne veut pas croire tout d'abord au danger qui menace son idéal de pacifiste ; mais il ne tarde pas à devenir l'accusateur enflammé de la barbarie allemande et réclame énergiquement l'écrasement de l'Allemagne coupable, en une dernière guerre qui marquera la fin des guerres. Il cherche en vain à s'engager ; son fils Hugh et Teddy se battent sur le front. Le doute naîtra dans l'esprit de Mr. Britling lorsqu'il lira les lettres de son fils qui lui découvrent, dans toute son horreur, l'absurdité de la guerre. Teddy est blessé et porté disparu. Mr. Direck a beaucoup hésité ; fiancé avec Cécile, la belle-sœur de Teddy, il a fini par s'enrôler dans les troupes canadiennes pour se battre aux côtés des Alliés. Puis Hugh est tué. Le coup est atroce pour Mr. Britling.

Mais voici la fin de la guerre : Teddy revient. Heinrich a été tué aussi, de l'autre côté, Mr. Britling a modifié encore une fois ses conceptions. Et le roman finit sur la lettre qu'il veut écrire au père d’Heinrich, en une nuit de passion, de doute et de recherche : lui et ses semblables, partout, doivent prendre conscience de la grande fraternité humaine, sous l'œil de Dieu, le Roi Invisible, fraternité dont le massacre des jeunes vies est le terrible prix qui ne doit pas être perdu. Mr. Britling passe ses mains sur ses yeux fatigués. La clarté de la lampe a pâli peu a peu. Le jour se lève.

L'œuvre de Wells, si vaste et si diverse, qu'il s'agisse de ses romans d'anticipation ou de ces récits où il transpose ses souvenirs et son expérience, est toujours parcourue par un souffle de révolte tranquille contre la société imparfaite, injuste et tourmentée, qu'il voudrait, non détruire, mais réformer. Mr. Britling, livre brillant, amusant, enjoué, puis profondément émouvant, où l'auteur trace de soi-même le plus ressemblant des portraits, montre la réaction de Wells lui-même devant la guerre de 1914-1918. Comme son héros, Wells croyait finie l'ère de la guerre. Il accepta celle-là comme la dernière, « la guerre qui devait tuer les guerres ». A la fin des hostilités, il crut que la marche en avant de l'humanité allait pouvoir reprendre irrésistible, sous l'égide de l'intelligence. Pourtant un doute perce dans sa foi : « Si les dix prochaines années ne sont pas pitoyables et désastreuses, ce seront les plus grandes de l'histoire ». Il devait vivre assez longtemps pour voir encore une nouvelle catastrophe secouer sur ses bases l'humanité.

bdp
16-Sep-2024
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