Le démon blanc ou Vittoria Corombona [The White Devil or Vittoria Corombona] est une tragédie de l'écrivain anglais John Webster (vers 1580 — vers 1624), représentée en 1611- 1612 et publiée en 1612.
Le sujet s'inspire d'un fait historique de la fin du XVIe siècle, en Italie, et dont le protagoniste fut le duc de Bracciano. Paolo Giordano Orsini, mari d'Isabelle, fille du Grand Duc Côme Ier, ayant épousé en secondes noces Vittoria Accoramboni, ancienne femme du neveu du Cardinal Montalto, le futur Pape Sixte V. Dans cette tragédie, les noms sont déformés et l'intrigue a été transformée, conformément à la version des événements connue au-delà de la Manche.
Le duc de Brachiano, mari d'Isabelle, sœur du duc de Florence, se lasse bien vite de son épouse, s'étant épris d'une autre femme splendide, Vittoria, femme d'un de ses courtisans, un certain Camille. Mais la conquête de Vittoria est ardue en soi ; il est des complications et des inconvénients qui peuvent surgir et qu'il faut éliminer, toutefois il importe que l'intervention directe du duc ne soit pas connue. Mais ce dernier a trouvé une aide précieuse en la personne du frère de Vittoria, l'ambitieux Flamineo qui, dans l'espoir de conquérir l'amitié du Duc, se prête complaisamment à cette besogne abjecte. Le frère aide donc le duc à séduire Vittoria et dresse avec lui le plan pour se débarrasser de Camille et d'Isabelle. Flamineo tend un piège où Camille périt, tandis que le duc tue lui-même sa femme Isabelle, en faisant empoisonner avec perfidie les lèvres d'un de ses portraits. En l'absence de son mari, la fidèle et amoureuse Isabelle embrasse l'image de son époux, et meurt. Mais le peuple indigné réclame qu'on fasse une enquête sur ces crimes atroces. Vittoria est par conséquent accusée d'adultère et d'assassinat et se voit condamnée après une défense aussi vaine que pleine de passion. A ce moment-là, le duc de Brachiano revient, sauve Vittoria et l'épouse. Mais le duc de Florence, voulant venger le meurtre infâme de sa sœur Isabelle, envoie deux de ses sicaires tuer Flamineo, qui avait, sous les yeux de sa vieille mère, tué son frère cadet au cours d'une rixe, et Vittoria. Le duc de Brachiano meurt, lui aussi, empoisonné. Il s'agit d'une tragédie sombre, vigoureuse, sanglante, enveloppée de ténèbres, plongée dans une atmosphère de guet-apens et de mort, se déroulant à travers une série rapide et suggestive de grands coups de théâtre. Avec la Duchesse d'Amalfi, ce drame est l'ouvrage le plus important de Webster. Sa puissance poétique tient au fait que l'auteur a peint des personnages et des êtres farouches qu'emporte une destinée aveugle, dans une alternance de vie et de mort, et que les thèmes tragiques se répondent sans cesse, régis par une fatalité mystérieuse et féroce. La chronique italienne a été transformée dans chacun de ses détails, pour permettre à l'imagination, souvent macabre, mais jamais vulgaire de l'auteur de se mouvoir en pleine liberté.
Le personnage d'Accoramboni inspira aussi un roman à Ludwig Tieck (1773-1853) : Vittoria Accorombona, où l'influence du drame de Webster est évidente. Stendhal s'en inspira à son tour dans l'Abbesse de Castro.
