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La PRINCESSE DE BABYLONE.

Ce conte philosophique de Voltaire (1694-1778) est un des derniers qu'il fit publier de son vivant. Comme l'Homme aux quarante écus , il appartient à la dernière période très active de la vie de Voltaire, alors à Ferney, tout occupé de polémiques, lançant brochure sur brochure, se consacrant à une véritable activité de journaliste, dénonçant les abus, se faisant le défenseur des opprimés ; mais à côté de l'Homme aux quarante écus paru en 1767, la Princesse de Babylone fait figure de simple divertissement. Tel était d'ailleurs bien l'intention de l'auteur qui écrivait à ce sujet à Madame du Deffand : « J'ai reçu de Hollande une Princesse de Babylone ; j'aime mieux les Quarante écus, que je ne vous envoie point, parce que vous n'êtes pas arithméticienne. Si elle vous amuse, je ferai plus de cas de l'Euphrate que de la Seine.» Ce n'est d'ailleurs pas en Hollande, mais à Genève chez les Cramer, sans nom d'auteur et sans indication d'éditeur, que parut la Princesse en 1768. Il en parut la même année, à Paris, une édition datée de Genève sous le titre de Voyages et aventures d'une princesse babylonienne, pour servir de suite à ceux de Scarmentado [allusion à un Petit écrit satirique du même auteur, l'Histoire des voyages de Scarmentado), par un vieux philosophe qui ne radote pas toujours ; mais cette édition est une contrefaçon et fort infidèle.

Ce petit roman est une histoire d'amour. Le vieux Bélus, roi de Babylone, a une fille, Formosante, si jolie et si charmante qu'il ne sait comment la marier. Un ancien oracle annonçait que la princesse ne pourrait appartenir qu'à celui qui tendrait l'arc gigantesque du chasseur légendaire Nembrod. Une compétition a lieu entre le roi d'Égypte, le schah des Indes et le grand khan des Scythes. Aucun des trois souverains ne peut venir à bout de l'épreuve ; mais un jeune inconnu, du nom d'Amazan, — lequel est loin d'être un prince, mais est tout simplement un homme libre, non seulement parvient à bander l'arc, mais encore sauve la vie du roi des Scythes. Ce jeune homme d'une rare beauté et dont la modestie n'a d'égale que la valeur fait forte impression sur la princesse, et quand il doit brusquement quitter la cour de Babylone pour se rendre au chevet de son père mourant, il laisse à Formosante, un phénix aussi superbe qu'intelligent. La belle princesse s'impatiente d'attendre Amazan qui ne revient toujours pas ; accompagnée du fidèle Phénix, elle part à sa recherche. Le pharaon la rejoint, coupe le cou à l'oiseau sacré et tente de séduire la jeune fille. Celle-ci se tire de l'embûche par une ruse et sur les conseils que lui a donnés l'oiseau, elle va brûler son corps sur un bûcher, d'où, aussitôt, il ressuscite. Formosante parvient chez les Gangarides et s'émerveille de cet extraordinaire pays où tous les hommes sont libres et vivent selon la pure nature. La mère d'Amazan lui apprend qu'elle est la cousine de celui qu'elle aime, mais son fils vient de la quitter pour se rendre en Chine. Lorsque Formosante arrive en Chine, le jeune homme est reparti pour la Scythie. Alors commence un long voyage poursuite, Formosante n'arrivant à un endroit que pour apprendre qu'Amazan vient de le quitter. C'est un prétexte pour nous peindre en quelques traits les Chinois si sages et si raffinés, les Scythes brutaux, les Cimmériens, — ce passage n'est qu'une suite de louanges à leur souveraine, l'impératrice de Russie, Catherine II, amie de Voltaire, et de son prédécesseur Pierre le Grand ; —les Sarmates (Polonais), les princes du Nord (éloges de Gustave III et de Christian VII), les Bataves (Hollandais). Amazan parvient enfin dans l'île d'Albion (amusante évocation du flegme britannique et du progrès scientifique en Angleterre), puis auprès du Vieux des sept montagnes (le pape) : là, Amazan, en bon sauvage, s'étonne de la bizarrerie des cérémonies incompréhensibles pour lui et du pouvoir de cet homme qui ne repose sur rien ; il est plus surpris encore par les propositions singulièrement déshonnêtes que lui font les prélats romains, séduits par sa beauté. Jusqu'alors, la fidélité d'Amazan, qui croit cependant que sa maîtresse l'a trompé avec le roi d'Égypte, est demeurée incorruptible elle ne cède qu'a, une fille d'opéra dans la ville des oisifs qui a connu au siècle passé la plus étonnante gloire dans tous les domaines de l'esprit, mais qui a singulièrement dégénéré depuis (Paris). Suit une description des mœurs de la Bétique (l'Espagne, pays de l'Inquisition). Enfin les deux amants se retrouvent, se pardonnent et s'épousent au milieu de la joie de leurs peuples, chez qui ils vont faire régner la liberté.

Voltaire termine ce récit par une invocation aux Muses, les priant de lui épargner qu'on fasse une suite à son histoire comme on l'avait fait avec ses précédents contes. La Princesse de Babylone n'est pas un des meilleurs contes philosophiques de Voltaire : tout ici sent le procédé, la satire est assez laborieuse et surtout elle n'a pas d'objet bien déterminé. Sans doute y prêche-t-on l'état de nature et de liberté où vivent les Gangarides, la tolérance, et dénigre-t-on la sottise du pouvoir absolu ; mais ce tableau des diverses nations de l'Univers n'est qu'un prétexte à des louanges quelque peu hyperboliques des souverains dont Voltaire était l'ami, louanges qui font d'autant mieux ressortir les défauts propres aux Français, les vices de leur gouvernement. Mais cela ne va pas bien loin. L'aventure est fade et, s'il n'y avait de temps en temps quelque mot malicieux, voire féroce, qui relève la sauce, on n'y prendrait guère d'intérêt.


bdp
16-Sep-2024
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