ENOCH ARDEN.
Célèbre poème de Lord Alfred Tennyson (1809-1892), publié en 1864.
Dans un port de la côte orientale d'Angleterre, trois enfants jouent sur une plage : Enoch Arden, Philip Ray et Annie Lee. Au cours de leurs jeux, Annie est l'épouse tantôt de l'un, tantôt de l'autre. Puis le jeu devient une réalité. Un jour, Enoch et Annie se marient ; de son côté, Philip, fort amoureux lui aussi d'Annie, en ressent une profonde douleur. Après sept années passées dans le bonheur et la tranquillité, voici que la maladie et la pauvreté font leur apparition pour redonner le bien-être à sa chère famille, Enoch s'embarque en qualité de maitre d'équipage sur un bateau en partance pour la Chine.
Au cours du voyage de retour, le bateau coule ; Enoch se sauve sur une ile déserte des Tropiques, où il vit de longues années dans une solitude complète. Enfin, il parvient à regagner la terre natale. Mais, aussitôt arrivé, il apprend qu'Annie s'est remariée avec Philip : celui-ci, dévoué, fidèle et affectueux, a toujours aidé la jeune femme et ses enfants alors qu'ils étaient dans la misère. Enoch décide de ne point dévoiler son identité, afin de ne pas briser la paix d'Annie. Il continue de vivre dans le village, travaillant humblement parmi les pêcheurs, et ce n'est qu'une année après, à son lit de mort, qu'il révèle à l'aubergiste chez qui il loge, qu'il s'appelle Enoch Arden. Il la prie de dire à sa femme et à ses enfants, mais seulement après sa mort, comment il a rendu son dernier soupir, en les bénissant et en les aimant toujours.
Le thème de ce poème est la vie aventureuse des humbles pêcheurs. Des traces de ce motif existent dans les superstitions de l'Asie et de l'Europe : le mari oublié est considéré, dès son retour dans sa patrie, comme une sorte de fantôme. Dans certaines légendes saxonnes et bretonnes, la solitaire Pénélope, après avoir vainement attendu, se marie une deuxième fois. Son mari revient et réclame de vive voix ses droits. Enoch, lui, par contre ne réclame rien. Tennyson a préféré cette conclusion pathétique, aboutissant au renoncement.
Le récit se déroule simplement, dans la mélodie du « blank- verse » pentamètre non rimé à rythme iambique), le mètre des drames élisabéthains et du Paradis perdu de Milton, qui correspond à notre hendécasyllabe. L'art du poète est admirable, surtout dans les descriptions. Il peint le merveilleux contraste entre la nature exubérante des tropiques et la vision de la patrie nordique et lointaine, évoquée par le pauvre marin naufragé. Ce poème a été traduit en latin et en sept langues européennes. Il a inspiré deux drames, écrits, l'un à Londres, l'autre à New York. La trame du récit a été racontée à Tennyson par son ami Edward Fitzgerald, le traducteur bien connu du poète persan Omar Khayyam.
