CORINNE ou l'ITALIE.
Roman de Mme de Staël publié en 1807.
Lord Oswald Nevil, malade moralement et physiquement, voyage en Italie durant l'hiver 1794-1795 pour se distraire. Il fait, à Rome, la connaissance de Corinne, célèbre poétesse, au moment de son couronnement au Capitole ; il est séduit par ses dons brillants et son charme personnel. Le développement de la situation psychologique est intimement lié à la description de l'Italie. L'idylle se précise, et les sentiments des héros se révèlent au cours de leurs flâneries dans les domaines de l'art et de l'esprit. Les vestiges du passé, les églises, les monuments, les palais, un bal ou une soirée sont autant de prétextes à dissertations pour Corinne ; tout ce qu'elle voit lui donne occasion de juger les caractères et les mœurs des Italiens, la littérature, l'art, la philosophie et la vie. Cependant la sympathie qu'éprouvaient l'un pour l'autre les deux protagonistes devient un sentiment plus doux. Oswald voudrait épouser Corinne, mais celle-ci hésite ; pleine de scrupules, elle redoute les intransigeances du rigide conformisme anglais. Dans le décor enchanteur de Naples et de Venise, Oswald révèlera le remords que lui donne la douleur qu'il causa à son père en nouant une idylle avec une femme indigne de lui ; Corinne lui dévoilera son origine anglaise et comment, à la suite d'une mésentente avec sa belle-mère et en rupture avec les convenances sociales, elle est venue en Italie pour donner libre cours à ses penchants artistiques. A ce moment, prend fin la partie descriptive et commence la véritable analyse psychologique de deux âmes tourmentées. Oswald, rappelé en Angleterre par son régiment, part avec le désir de réconcilier Corinne avec sa famille et, d'une certaine manière, de la réhabiliter aux yeux du monde. Mais, subjugué par le climat moral de son pays, et loin de la femme aimée, il se laisse reprendre par ses sentiments habituels, par le respect des convenances, par les préjugés sociaux, et cédant aux nécessités pratiques de la vie, il épouse Lucite, demi-sœur de Corinne. Corinne, ignorant tout, rejoint Oswald en Écosse ; en apprenant le prochain mariage des jeunes gens, elle sacrifie aux fiancés sa passion. Elle retourne en Italie, à Florence, et chante encore un dernier chant pour Oswald avant de s'éteindre entre les bras de Lucite et d'Oswald accourus vers elle.
Corinne, roman né d'un voyage en Italie et de l'amitié amoureuse de Mme de Staël avec le jeune diplomate Pierre de Souza Holstein, fut pour toute une génération romantique et passionnée, le livre de l'idéal et de l'amour. L'ouvrage comporte deux parties bien distinctes. L'une abonde en discours et en descriptions, elle eut le mérite de révéler l'Italie aux Français au moment où les conquêtes napoléoniennes favorisaient leur venue dans la péninsule. Même si le jugement de Corinne fut souvent superficiel, et erroné au point de provoquer la colère de Foscolo, elle a, toutefois, donné de l'Italie une image qui ne traduit pas seulement la mélancolie des ruines et la grandeur du passé, mais aussi la poésie d'un peuple, dont elle a compris, avec une admirable pénétration, les forces latentes. L'autre partie reprend, dans une atmosphère d'une élévation quasi religieuse, l'idée déjà développée dans Delphine : le sacrifice de la femme amoureuse, victime des lois de la société, bien que supérieure par la générosité et le génie ; en un mot, l'éternel conflit entre la passion et le devoir.
