De l'Allemagne.
Œuvre de Mme de Staël imprimée en 1810. C'est l'étude de l'Allemagne saisie dans le moment complexe de son existence intellectuelle et morale qui vit la naissance du « Sturm und Drang », la renaissance de l'esprit classique et l'affirmation du Romantisme.
L'œuvre se divise en quatre parties :
- L'Allemagne et les mœurs des Allemands ;
- La littérature et les arts
- La philosophie et la morale
- La religion de l'enthousiasme
Le livre commence par une description où les forêts, les grands fleuves, les neiges, les châteaux participent directement de l'âme du paysage et de la nature après quelques généralités sur le caractère et sur les mœurs des individus, on passe à une comparaison entre le Midi et le Nord. Le premier est qualifié de classique, le second de romantique puis vient une description de l'Autriche, de la Saxe et de la Prusse, avec un jugement sur leurs villes, leurs universités, leurs institutions sociales et la vie de Cour. Dans la seconde partie, l'auteur disserte finement sur la littérature allemande, sur son caractère individuel et indépendant, sur sa tendance à la métaphysique et à la profondeur, et consacre une étude aux écrivains les plus importants : Wieland, dont elle admire le talent poétique essentiellement allemand, mais que vient tempérer un goût certain pour la philosophie française, Klopstock qu'elle porte aux nues comme poète Winckelmann, dont l'art a une dignité qui s'apparente à celle des monuments classiques; Lessing, considéré comme un esprit nouveau et hardi ; Goethe, en qui se rejoignent toutes les principales caractéristiques du génie allemand ; Schiller, homme d'esprit éminent et d'une parfaite bonne foi.
Après avoir défini d’une façon géniale le Romantisme, dont elle aime le nouvel idéal, l'auteur porte des jugements pénétrants sur les critiques allemands — les frères Schlegel — et sur les historiens — Müller, le poète, et Herder, l'historien religieux. Mme de Staël passe rapidement sur les Beaux-Arts et arrive à la philosophie en s'arrêtant particulièrement sur ses principaux représentants, depuis Kant, prince de la pensée, jusqu'à Fichte qui a fait du moi l'âme même du monde. Les derniers chapitres sont consacrés à une étude de la pensée religieuse allemande, qui s'achève sur un hymne à l'enthousiasme, force vitale des individus et des nations.
Imprimé en 1810, le livre, désapprouvé par la censure impériale, fut saisi et détruit par la police de Napoléon il vit le jour seulement en 1813, en Angleterre, quand l'astre de l'Empereur était déjà sur son déclin. Le libéralisme aristocratique et intellectuel de l'auteur qui s'était affirmé à l'ombre de l'Encyclopédie et qui était nettement en opposition avec la volonté dictatoriale de Napoléon, poussait Mme de Staël à exhorter la pensée française à la foi dans la liberté et à affirmer les valeurs de l'esprit contre la domination de la matière. Mme de Staël constate qu'en Allemagne, où la population fortement unie du point de vue ethnique, est pourtant divisée du point de vue politique, commence à se manifester l'individualisme romantique ; pour expliquer un tel phénomène, elle a recours à une comparaison qui lui permettra de préciser ses propres pensées et de montrer les déficiences de sa patrie. Elle opposera les deux nations : la France, dont l'esprit a été desséché et abattu par la Révolution, et l'Allemagne qui, bien que démembrée et asservie, s'est redressée, riche de forces nouvelles. Le livre se présente donc surtout comme une œuvre ayant une valeur historique, par l'affirmation qu'il contient de théories libérales et par les liens qu'il établit entre la pensée française et le courant romantique allemand. Mme de Staël n'avait pas seulement fait connaître l'Allemagne aux Français, mais encore la France à elle-même.
