DOMINIQUE.

Roman d'Eugène Fromentin (1820-1876), publié en 1863.

Dominique de Bray, orphelin, est élevé par une vieille tante et un jeune instituteur à la campagne ; sauvage et instinctif, il est d'une nature très sensible. Adolescent, on l'envoie au collège rêveur, il s'adonne à la poésie et a un seul ami, Olivier. Une cousine de celui-ci, Madeleine, le trouble profondément, mais, de deux ans son aînée, elle épouse Alfred de Fièvres et reste en bonne amitié avec le jeune homme. L'amour non avoué de Dominique devient plus vif et douloureux il veut vivre auprès d'elle, lui faire un peu connaître son âme ; sa passion devient si aigüe qu'il ne peut plus la taire. La femme, dans sa générosité d'âme, voudrait le guérir, mais elle s'aperçoit bien vite qu'elle l'aime aussi, et, atterrée, l'éloigne pour toujours, mettant entre eux sa confession, obstacle suprême. Dominique, pendant ce temps, a tenté sa chance dans les milieux littéraires, mais sans succès : puisqu'il n'a pas réussi davantage comme écrivain politique, il revient à sa terre, où il restera, gentilhomme campagnard, maire, mari et père, inconnu et rasséréné. Le renoncement à l'amour, imposé à la conscience de l'homme par le déchirement de la femme amoureuse et honnête, est traité avec une extrême délicatesse sur le ton d'une confession voilée.

Ce livre est d'ailleurs en partie autobiographique ; il est significatif en ce sens que Fromentin, peintre sans génie, écrivain habile (voir les pages descriptives d'Un Été dans le Sahara. d'Une Année dans le Sahel), critique Pénétrant de la peinture flamande et hollandaise (v. les Maîtres d'autrefois), connaissant parfaitement ses limites, a voulu dire ici le renoncement nécessaire à l'homme, quand il sent ne pas avoir la force d'être celui dont il rêva dans sa jeunesse orgueilleuse. Telle est la pensée profonde de ce livre, et sans doute est-ce là ce qui le distingue des autres chefs-d’œuvre du roman psychologique autobiographique. Le ton nuancé, automnal, modéré même dans l'effusion, la ferveur ingénue et romantique dominée, muée en une attitude presque classique, autant de caractères qui font de ce roman une œuvre originale et attachante.