Titre d'un roman et d'un drame d'Alexandre Dumas fils (1824-1895). Le roman, qu'il écrivit à vingt-trois ans, obtint, en 1848, un grand succès : le drame, représenté en 1852 eut aussitôt un retentissement énorme à Paris, puis à l'étranger.
Le sujet du roman et du drame (avec quelques variantes de peu d'importance) est l'amour d'un jeune homme de très bonne famille, Armand Duval, pour une courtisane à la mode, Marguerite Gautier. Entraînée par une passion profonde hors de son milieu, Marguerite sent la nécessité de porter son amour loin des gens qu'elle fréquente, dans un désir tout nouveau de pureté et de solitude. Les amants se réfugient donc dans une petite maison de campagne (à Auteuil dans le drame, à Bougival dans le roman), où leur idylle atteint un moment la plénitude de l'éphémère félicité accordée à l'amour. Mais, dans cette maison même, le père d'Armand se fait secrètement annoncer à Marguerite. Le vieillard comprend la sincérité de son amour, mais Marguerite, de son côté, doit comprendre que cet amour constitue un obstacle à la vie et à l'avenir d'Armand dont, par surcroit, la jeune sœur ne pourra épouser l'homme qu'elle aime, à cause de la déshonorante liaison de son frère. Marguerite se voit demander le grand sacrifice, elle cède et s'enfuit. Armand, qui ne sait rien, croit qu'elle est lasse de lui et désireuse de relations plus rémunératrices. Quelque temps après, il la rencontre à Paris, devenue la maîtresse du comte de Varville, et, désespéré, il lui jette par dérision, devant tout le monde, une forte somme qu'il vient de gagner au jeu, en déclarant que maintenant il est quitte envers elle. La femme éprouve une si vive douleur (dans le roman, Armand affiche publiquement devant elle ses relations avec la courtisane Olympe) que sa santé, déjà chancelante, en est détruite pour toujours. La maladie prend une forme rapide et sans espoir. Quand la fidèle Nanette, à l'insu de sa maîtresse, révèle la vérité à Armand par une lettre, le jeune homme arrive au chevet de l'aimée pour recevoir son dernier soupir.
On a coutume de faire coïncider avec la première représentation de la Dame aux camélias le début du réalisme sur la scène, et il est certain que la « comédie de mœurs » est née de ce drame. Suspendu entre deux époques, encore imprégné d'un romantisme lyrique passionnel et déjà dirigé vers l'observation des modes de vie d'une société et des problèmes qui s'y posent, il devait réaliser une heureuse fusion de deux manières et de deux attitudes. Dans la vérité objective d'un climat réaliste, Marguerite Gautier apparaît dans toute la gloire d'un grand amour silencieux et connaît une mort pathétique. Elle acquiert un pouvoir d'émotion dramatique, qui la rend supérieure à tant d'autres héroïnes du romantisme auxquelles elle succédait pourtant. A l'époque, elle parut aussitôt chargée d'une humanité puissante.
C'est du drame de Dumas que, sur un livret de Francesco Maria Piave (1810-1876), Giuseppe Verdi (1813-1901) tira La Traviata (op. 19), que le théâtre de La Fenice à Venise représenta en 1853. Cette œuvre, classée parmi les opéras, comprend deux préludes et douze morceaux en quatre actes. Avec les noms des personnages changés, Marguerite en Violette Valéry et Armand en Alfred Germont, la trame suit fidèlement le roman, sauf dans sa conclusion l'action est située au XVIIIe siècle. La thèse sociale et morale de la réhabilitation de la pécheresse disparaît dans le drame de Verdi et fait place au sublime du sentiment de l'amour, de la douleur et de la mort, de sorte que la catastrophe n'est pas le point culminant de l'œuvre. L'intérêt du musicien s'est entièrement porté sur le drame psychologique : états d'âme, naissance et évolution des passions sont l'objet principal de la représentation sonore.
