Manifeste littéraire de la « Brigade », jeune école poétique groupée autour de Ronsard (à laquelle celui-ci donnera, en 1556. le nom célèbre de Pléiade), et signé par Joachim du Bellay (1522-1560). La Défense parut en mars 1549 à peine quelques mois après la publication de l'Art Poétique de Sebillet qui avait, ainsi que le succès croissant de Marot et de son école, fortement indigné les jeunes adeptes de la Brigade D'Italie, de Pétrarque, des Dialogues de Sperone Speroni (parus en 1542), souffle un vent de renaissance artistique, littéraire, l'idée désormais lumineuse de la mission artistique d'un peuple. Dès lors, et compte tenu de l'enthousiasme des jeunes poètes, de leur influence grandissante jusqu'à la Cour, enfin du courant puissant de l'humanisme, on comprend mieux le programme préconisé par la jeune école poétique et son sens profond. Trois articles essentiels ressortent de cette étude : tout d'abord, l'idée agissante du manifeste entier, celle du triomphe de la langue nationale française qui comporte d'une part la « défense » de cette langue contre les latinisants qui considèrent la langue latine comme seul mode d'expression et contre ceux qui s'en servant mal la compromettent, et d'autre part, l' « illustration » obtenue en l'enrichissant par un apport considérable de mots nouveaux. Cet apport peut être obtenu de différentes façons : par l'emploi des mots de terroir rendus à la vie et au besoin modifiés, par les diminutifs, par la formation de mots composés, par la construction de mots nouveaux sur des racines existantes, soit nationales, soit grecques ou latines, encore que la plus extrême prudence soit recommandée à l'égard des emprunts au grec et au latin.
Ensuite, la création d'une vraie poésie. Pour ce, on abandonne tous les genres qui ont triomphé au Moyen-Age et dont usent encore les héritiers des Grands Rhétoriqueurs et rimeurs comme Marot, tels que la ballade, le rondeau le virelai, la chanson, etc. Par contre, inspirés profondément par les Anciens, les genres de l’ode, de l’élégie, du sonnet, de l’églogue, de la comédie et de la tragédie sont ceux qui donneront à notre poésie sa valeur propre, son renouveau de unit et de profondeur. A ce changement d'inspiration, correspond celui de l'esprit et de la technique poétiques : d'une part, et comme Pétrarque l'avait indiqué, une intelligente « imitation » sera permise et même recommandée au poète de l'autre, les règles de la versification se précisent, qui influenceront la poétique jusqu'à nos jours comme nécessité et alternance des rimes, combinaison des strophes. etc Enfin, se trouve exprimé dans la Défense l'idéal artistique de la langue et du Poète. Désormais, la poésie ne doit plus être considérée comme l'occasion à un homme de prouver uniquement sa virtuosité verbale ou d' « amuser ». Le poète, et c'est une idée très souvent reprise chez Ronsard et bien d'autres, par un travail long et patient, atteindra la gloire la plus haute, l'immortalité. Le Roi n'est rien sans le Poète : c'est en effet au poète qu'incombe le soin de conférer l'immortalité au poète d'élever les âmes, de faire comprendre la mission profonde de l'art. Ainsi se constituera une école poétique prodigieuse qui, inspirée de l'exemple italien et particulièrement pétrarquiste, l'égalera puis le transcendera.
La fermeté du style, la vitalité et l'intelligence des principes exprimés, l'influence considérable de la « Brigade », enfin l'état d'esprit du moment et la faveur de la Cour, expliquent aisément, sans qu'il soit besoin d'insister, le retentissement prodigieux et durable de la Défense et illustration dont certains points essentiels, adoptés par le classicisme, ne seront plus remis en question avant les luttes du romantisme au XIXe siècle et dominent encore la poésie et la littérature contemporaines.
