Moravagine

Roman de l'écrivain français d'origine suisse Blaise CENDRARS (pseud. de Frédéric-Louis Sauser, 1887-1961), publié en 1926. Roman d'aventures par certains de ses aspects, poème en prose parfois, œuvre de visionnaire presque de bout en bout, Moravagine est un livre déroutant, inclassable.

Le narrateur, un jeune médecin, spécialiste des maladies mentales, fait un stage à Waldensee, dans l'une des cliniques les plus modernes d'Europe et qui ne reçoit que des membres de la haute société. Parmi ces malades, il y a un personnage mystérieux, interné depuis des années, Moravagine. Dernier descendant d'une famille royale déchue, Moravagine a toujours vécu seul et sous une étroite surveillance. A l'âge de six ans il a été mariée à la petite princesse Rita, dont il fut aussitôt séparé ; plus tard, âgé de dix-huit ans, il tue, dans un accès de rage, son épouse qui lui a rendu visite et va le quitter. Moravagine est alors enfermé, d'abord dans une forteresse, puis à Waldensee où il a été transféré six ans plus tôt.

L'interné a fait le récit de sa vie au médecin et une grande amitié est née entre eux. Le jeune homme décide de faire évader le malade et de l'accompagner dans sa fuite : « Enfin j'allais vivre dans l'intimité d'un grand fauve… j'allais pouvoir étudier sur le cru les phénomènes alternés de l'inconscient. » Dès lors le roman est tout entier consacré à la description de l'activité destructrice de Moravagine. Le « grand fauve » commence par commettre un certain nombre d'assassinats, puis il part pour la Russie où il devient le chef d'une organisation terroriste.

L'énergie intense de Moravagine, son génie du mal, ne tardent pas à porter leurs fruits : bientôt le pays est à feu et à sang. Cependant la soif d'anéantissement qui dévore l'ancien interné et ses compagnons ne peut se satisfaire de résultats partiels : « c'est le monde entier qu'il faut faire sauter ». Mais Moravagine est trahi et doit prendre la fuite. Ce singulier personnage aura encore l'occasion d'exercer ses talents entre 1914 et 1918 -comme pilote de bombardier - avant de terminer sa vie « dans un état inimaginable d'exaltation », ayant la conviction de vivre sur la planète Mars, atteint de la manie de l'écriture - il écrit soixante pages par jour - et ne se sustentant qu'à l'aide de morphine.

Poème des forces brutes et malfaisantes déchaînées, de la violence et de la destruction, Moravagine est une œuvre singulière et inquiétante. Les engins de mort que Moravagine rêvait d'employer sont devenus aujourd'hui trop réels pour que certaines pages du roman ne sonnent pas comme un pénible avertissement.

bdp
15-Nov-2024
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