Roman d'Honoré de Balzac (1799-1850), publié en 1835. Ce roman, qui est la première étude des Scènes de la Vie de Province (Comédie humaine), est d'une construction originale : il se présente sous la forme de deux lettres ; l'une, immense et qui tient presque tout le roman, est la confession du comte Félix de Vandenesse à la comtesse Nathalie de Manerville ; l'autre, de quelques pages, constitue la réponse de la comtesse.
Ces deux personnages sont sur le point de se marier, mais Mme de Manerville, ayant remarqué chez son fiancé de soudaines et longues rêveries, lui en demande la raison ; il répond par l'histoire de sa vie. Élevé sévèrement et privé d'affection, le jeune vicomte de Vandenesse se rend à un bal donné en l'honneur du duc d'Angoulême. Une dame d'une grande beauté vient s'asseoir à ses côtés, dans un coin du salon.
L'adolescent fasciné ne peut s'empêcher de couvrir de baisers les épaules nues offertes à sa vue. Quelque temps après, rêvant à la belle inconnue, il est introduit par un ami chez le comte et la comtesse de Mortsauf : il reconnaît en celle-ci la dame outragée et lui voue sur-le-champ un amour éternel. Il la nomme le « lys de la vallée », de cette vallée dans laquelle est situé son château, sur les rives de l'Indre. Il déploie tous ses charmes, séduit le comte et ses deux enfants. Il devient bientôt un familier de la maison et entre dans l'intimité d'un ménage mal assorti : le comte de Mortsauf, ancien émigré, beaucoup plus âgé que sa femme, frise la démence et lui rend la vie intenable ; elle supporte tout avec une patience angélique par amour pour ses enfants. Peu à peu touchée par les sentiments et la délicatesse de Félix, elle leur assigne des limites très précises, conformes aux devoirs de la religion. Au prix d'un violent effort sur elle-même, elle arrive à dominer la passion qui monte en elle, en la parant du déguisement d'une affection maternelle. La Restauration amène des changements heureux dans la situation de fortune des Mortsauf ; et grâce à l'influence des parents de la comtesse, Félix devient un des secrétaires particuliers de Louis XVIII. Il décide de rester rigoureusement fidèle à son amour platonique, mais une marquise anglaise, très belle et perverse, s'éprend de lui et lui fait abandonner cette résolution. Partagé entre un ange et un démon, entre un amour pur et une passion sensuelle, Félix ne peut se résoudre à sacrifier l'un à l'autre, jusqu'au moment où il perd les deux : la comtesse de Mortsauf, ayant appris sa liaison, tombe si malade qu'elle mourra littéralement de faim et de soif, ne pouvant plus assimiler aucun aliment. La marquise, blessée d'avoir été abandonnée sans un mot, le quitte. Par une lettre que la comtesse lui a donnée au moment de sa mort, il apprend qu'elle l'a toujours aimé charnellement, depuis leur première rencontre au bal du duc d'Angoulême. Depuis lors, sa « vie est dominée par un fantôme » : telle est la cause de son intermittente mélancolie. La comtesse de Manerville, dans une spirituelle réponse, lui rend sa liberté, en lui conseillant de ne pas faire de telles confidences à la quatrième femme qu'il aimera ; car celle-ci pourrait perdre courage à l'idée de lutter contre trois ombres. Le livre est dominé par la silhouette angélique de Madame de Mortsauf, le « lys de la vallée », qui ne conserve sa pureté qu'au prix de la vie ; l'amour de Félix est dépeint sous les couleurs les plus vives, d'un romantisme exacerbé, gâché souvent par des images de mauvais goût. Le ton de la réponse de Nathalie forme, avec la confession de Félix, un contraste savoureux et termine sur une note ironique, inattendue, ce récit dramatique.
