François VILLON (Ile-de-France, 1431 - 1463). De son vrai nom François de Montcorbier, ou peut-être François des Loges, il emprunte à son maître Guillaume de Villon le patronyme qu'il a immortalisé. Il est reçu bachelier à l'université de Paris en 1449. Déjà mêlé à des bagarres d'étudiants, il poursuit néanmoins ses études et acquiert le grade de maître ès arts en 1452, à la Sorbonne. Le 5 juin 1455, au cours d'une rixe, il poignarde un prêtre et quitte Paris pour fuir la justice. Sa vie, dès lors, est marquée par des aventures peu recommandables — vols, attaques à main armée — qui lui valent tantôt l'emprisonnement en province ou à Paris, tantôt de longs bannissements hors de la capitale. C'est à Paris, au cours de l'année 1462, qu'il compose en grande partie son Testament auquel s'adjoignent aussi de nombreuses pièces écrites antérieurement. L'année suivante, à l'occasion de nouvelles incartades, il est condamné par le tribunal du Châtelet à être mis à mort par pendaison. Ayant fait appel, il voit le jugement cassé et commué en bannissement pour dix ans. On ne trouve plus mention de lui après 1463, encore que l'on puisse admettre l'hypothèse d'un séjour en Angleterre puis en Belgique.
Souvent écrits sous le coup de ses mésaventures, les poèmes de Villon échappent toutefois à l'anecdote et aux faits divers crapuleux des Coquillards, cette compagnie de malfaiteurs dont il fut membre. Car le «voyou» chez Villon est inséparable du poète qui sait donner aux vicissitudes peu reluisantes de sa vie une dimension artistique, parfois plaisante et même truculente, mais toujours empreinte d'une gravité hors du commun. Le cynisme, l'immoralité de certaines ballades ne sauraient dissimuler la foi profonde qui habite le cœur du poète et qui lui dicte ses vers les plus pathétiques. Il doit à Eustache Deschamps les formes métriques qu'il affectionne le plus : rondeaux, virelais et ballades. Mais il y apporte un souffle neuf, une musique inconnue de ses prédécesseurs, que la poésie française retrouvera bien plus tard avec certains poèmes de Verlaine et dans les complaintes mélancoliques d'Apollinaire.
Ballade des pendus.
Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
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