Alfred de VIGNY

Alfred de VIGNY (Loches, 1797 - Paris, 1863). D'une famille aristocratique qui s'était illustrée dans le métier des armes, il embrasse la carrière militaire à l'âge de dix-sept ans. Déçu par la vie de garnison, rêvant d'une gloire que la politique étrangère de la Restauration ne peut lui apporter, il quitte l'armée et se tourne vers la littérature. En 1820, il rencontre le jeune Victor Hugo. Admis dès lors dans les salons parisiens, il devient l'ami de Nodier, de Sainte-Beuve, de Delacroix. En 1826, il publie ses Poèmes antiques et modernes qui connaissent un rapide succès, tout comme son roman historique Cinq-Mars, où il évoque avec nostalgie et amertume les temps héroïques de la noblesse française. Attiré par le théâtre, amoureux de la comédienne Marie Dorval, il donne à la scène son chef-d’œuvre dramatique Chatterton (1835) qui reçoit un accueil triomphal. La même année, il écrit Servitude et grandeur militaires, confidence sur ses désillusions de soldat. Sa rupture orageuse avec la comédienne en 1838 l'incite à quitter la ville et les milieux mondains. Tout à la dévotion de son épouse malade, il s'enferme alors dans le silence et n'écrit plus qu'une suite de poèmes, sans doute les plus émouvants de toute son œuvre : « La bouteille à la mer» (1853), «Le mont des Oliviers» (1862), enfin, quelques mois avant sa mort, «L'esprit pur». Ces derniers poèmes seront réunis sous le titre de les Destinées (1864) dans un recueil posthume. En 1867 paraîtront ses notes et ses réflexions intimes dans un volume intitulé le Journal d'un poète, qui témoigne à la fois de son désabusement et de sa grandeur d'âme.

Le cor

J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Que de fois, seul, dans l'ombre à minuit demeuré,
J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques.

O montagnes d'azur ! ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ;

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et le pied de gazons !
C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre
Les airs lointains d'un Cor mélancolique et tendre.
...

bdp
21-Avr-2024
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