Auguste-Maurice BARRÈS, écrivain français, né à Charmes (Vosges) en 1862, mort à Neuilly-sur-Seine en 1923.
Il fit ses études au lycée de Nancy, et se rendit en 1883 à Paris, où il écrivit presque aussitôt dans les revues des jeunes. Sous l'œil des Barbares (1888), Un homme libre (1889), le Jardin de Bérénice (1891), forment une sorte de trilogie : l'unité intime s'en rapporte à la égotisme » (culte du moi). Dès 1888, Barrès avait pris parti pour le général Boulanger et, élu député de Nancy en 1889, il avait siégé à la Chambre jusqu'en 1893.
Cette dernière année, il publie le Culte du moi, examen de trois idéologies, et l'Ennemi des lois, où son individualisme répudie toute discipline sociale. En 1894, il fait représenter Une journée parlementaire, comédie de mœurs, puis fait paraître, en 1895, Du sang, de la volupté et de la mort, recueil « d’idéologies passionnées », d'un lyrisme voluptueux et douloureux. Enfin, en 1897, il commence avec les Déracinés la trilogie : le Roman de l'énergie nationale, où il proteste contre ce qu'il appelle « la désagrégation de la France » ; la continue avec l'Appel au soldat (1900), où il raconte le mouvement boulangiste, et la termine par Leurs figures, qui a pour sujet l'affaire du Panama, véritable tableau d'histoire, d'un relief puissant.
Il publie ensuite Scènes et Doctrines du Nationalisme (1902) ;
Amori et dolori sacrum (1902), série de six méditations psychologiques, pleines d'une mélancolie passionnée ;
Les Amitiés françaises (1903), livre charmant où il cultive chez un enfant les forces morales héritées des ancêtres.
La série les Bastions de l'Est comprend :
Au service de l'Allemagne (1905), où il explique que les jeunes Alsaciens doivent rester en Alsace pour y maintenir la culture latine,
Colette Baudoche (1909), œuvre d'une inspiration cornélienne et d'une forme classique.
Parmi ses autres œuvres, citons : le Voyage de Sparte (1906), où il avoue que les ruines franques le touchent plus que le Parthénon ;
Greco ou le Secret de Tolède (1911) ;
La Colline inspirée (1913), qui est, par la grandeur de certains épisodes, un de ses chefs-d’œuvre ;
La Grande Pitié des églises de France (1914) ;
L’Ame française et la Guerre (1915-1919), collection des nombreux et chaleureux articles que l'écrivain patriote publia au jour le jour pendant la Grande Guerre ;
Les Diverses Familles spirituelles de la France (1917) ;
L’Appel du Rhin (1919) ;
Le Génie du Rhin (1921) ;
Un jardin sur l'Orante (1922), retour au romanesque le plus ardent ; l'Enquête aux pays du Levant (1923). Barrès a lui-même expliqué que son talent avait obéi à la logique vivante « d'une nécessité intérieure », qui l'a amené de l'analyse et du développement du moi au sentiment de l'intérêt général : « C'est par la méditation intérieure, dit-il, et par l'analyse, que j'ai vu la terre et les morts, c'est-à-dire la patrie, faisant le fondement de la personnalité, formant et alimentant notre individu. » C'est un analyste délicat et subtil, en même temps qu'un lyrique passionné et un styliste raffiné. Il avait été élu membre de l'Académie française en 1906.
Le JARDIN DE BÉRÉNICE.
Roman publié en 1891, il fait partie de cette série romanesque ayant pour titre : « Le culte du Moi ».
Après différentes tentatives décrites dans les œuvres précédentes de l'auteur (Sous l'œil des Barbares et Un Homme libre), le jeune Philippe comprend qu'il doit vivre en harmonie avec le monde. Le jeune homme raconte sous forme de confession quelques-unes de ses expériences, dans le but de fournir à autrui un véritable enseignement. Philippe organise une campagne électorale en Provence, pour concilier les pratiques de la vie intérieure avec les nécessités de la vie active Ayant adhéré au programme nationaliste du général Boulanger (nous sommes en 1889), il se sent plein d'enthousiasme pour de grandioses idées dont l'avenir doit être illuminé ; c'est seulement dans leur réalisation qu'il voit la possibilité d'établir sa position spirituelle et de se consacrer à une vie fière et glorieuse. En Arles, il retrouve Bérénice, qu'il a autrefois connue à Paris alors qu'elle était danseuse : elle a partagé pendant deux ans la vie de François de Transe, lequel a mystérieusement disparu, la laissant propriétaire d'une maison à Aigues-Mortes. C'est là que Philippe va lui rendre visite, et en la voyant dans ce paisible et agréable jardin, il lui semble découvrir pour la première fois les joies de la vie. De nouvelles émotions s'épanouissent en lui : il semble que la nature elle-même inspire au jeune homme une méditation pleine de douceur et de rêves. Il rentre à Paris pour continuer l'œuvre qui l'avait conduit en Provence, et reprend sa campagne électorale. Il avoue à son ami Simon (Un Homme libre) son amour pour Bérénice et son désir de découvrir la signification secrète de l'univers dans le calme d'un jardin et grâce au sourire d'une femme. Mais un sénateur anti-boulangiste reconnaît, avant de mourir, Bérénice comme sa fille et lui laisse une grosse fortune : elle épouse alors un certain Charles Martin qui s'est posé en adversaire de Philippe durant les élections : peu importe maintenant à Philippe d'être élu. Le chagrin de perdre Bérénice, quand il avait entrevu que son bonheur se confondait avec la vie même de la jeune femme, se teinte de mélancolie, puis de cruel regret au moment où elle meurt. Philippe la sent alors revivre en lui, de telle façon que son souvenir illumine sa conscience et le pousse à fraterniser avec l'univers entier. Une nouvelle lumière faite d'humanité et de foi éclaire le jeune homme qui, après tant d'épreuves, ressent le besoin de défendre son idéal contre la vulgarité et les compromis. Après avoir souffert de l'oppression de son « moi » dans un monde confus, il avait cherché la libération dans une vie méditative et quasi-monacale ; maintenant il comprend qu'il doit affronter l'existence avec toutes ses difficultés. C'est pourquoi il cherche, dans le travail et grâce à l'indépendance matérielle que procure l'argent, cette libre solitude qui permet une vision sereine du monde.
Cette œuvre termine la trilogie de Barrés, « Le culte du Moi ». Son importance réside surtout dans le fait qu'elle est un document représentatif d'une époque ; elle témoigne des angoisses et des aspirations de la génération âgée de vingt ans à l'époque de Sedan et de la chute du Second Empire qui vécut dans le rêve de la revanche et de la reconstruction nationale.
